Comment bien gérer ses émotions

Dans mon précédent article, j’ai abordé les problèmes reliés à la suppression des émotions.  Il apparaît clairement que la performance peut avoir lieu plus sûrement si elle est accompagnée d’une saine régulation émotionnelle, plus communément appelé « gestion » des émotions.  Réprimer ses émotions fatigue psychologiquement, rend paradoxalement anxieux et limite les ressources disponibles pour accomplir une tâche.  Mais comment bien « gérer » ses émotions?

Conseils pour Elsa

Se réchauffer le cœur, plutôt que de le geler

Pour reprendre l’exemple de mon précédant billet, Elsa, la Reine des Neiges de Disney, tente de réprimer ses émotions en cachant ses pouvoirs et en ne parlant pas de sa peur et de sa colère. C’est le geste réparateur d’amour inconditionnel d’Anna qui sauve finalement Elsa et lui permet de réussir à faire revenir l’été sur son royaume. Qu’aurait pu faire Elsa pour y arriver par elle-même, sans tous ces drames?

Accueillir sans jugement: le contraire de réprimer

Nous n’avons pas tous la chance de vivre une expérience réparatrice et salvatrice comme Elsa le vit lorsque sa sœur Anna vient à son secours et lui démontre son amour inconditionnel.  Mais ce qui est en notre pouvoir est aussi simple et puissant : se reconnaître en prenant conscience de son ressenti, des pensées émotionnelles, puis ne pas entrer en lutte avec Soi en se jugeant.  Une saine régulation émotionnelle consiste tout d’abord à reconnaître les réactions émotionnelles telles que vécues dans son corps.  Puis, identifier les émotions ressenties, les nommer, souvent elles sont plus qu’une sans chercher d’explication.

Il suffit dans un premier temps de les accueillir sans lutter contre elles, sans se dire « je ne devrais pas me sentir comme cela ».  Cela exige une bienveillance envers soi-même et un non jugement qui se rapproche drôlement de l’amour inconditionnel d’Anna envers la Reine des Neiges.  Même si les émotions négatives amènent un inconfort, elles ne sont pas dangereuses en soi, elles peuvent même être utiles et enseignantes sur ce qui se passe.  Il convient de se rappeler que c’est de mettre le couvercle sur la marmite bouillante des émotions qui contribue au débordement.  C’est plutôt de laisser à découvert la marmite qui permet aux pâtes de cuire sans dégât.

Laisser vivre: accepter l’inconfort

Par la suite, il convient de simplement vivre et ressentir ce qu’on a identifié et possiblement l’inconfort associé.  L’émotion, tel un signal d’alarme, se doit de sonner, d’exister à l’intérieur de soi pour pouvoir ensuite diminuer en intensité.  C’est un peu comme si l’émotion devait avoir la certitude que vous alliez la noter, la prendre au sérieux pour se permettre de se dissiper.  On peut méditer quelques minutes sur ses émotions, comme on peut méditer sur les pensées et les sons.  Il suffit d’observer, de ressentir, d’être tout simplement en contact avec l’inconfort.

Exprimer à soi-même: un thermostat naturel

Puis, vous avez le choix de la manière de l’exprimer et de la manifester.  En tant que psychologue, je reçois souvent les questions suivantes : Pourquoi faut-il parler? En quoi cela est-il bénéfique?  Est-ce que cela change quelque chose?  Il n’y a aucune obligation à exprimer aux autres ce que l’on ressent : la seule nécessité est de l’exprimer à soi-même et pour soi-même.  Il peut s’agir de la défouler dans un sport, de sublimer l’émotion par les arts, de s’écrire à soi-même dans un journal intime.  Comme l’eau qui s’échappe de la marmite sous forme de vapeur, l’émotion aime se laisser transformer, prendre une forme utile et harmonieuse.  Cela permet de la moduler sans avoir pour objectif de la faire disparaître.  L’émotion existe toujours même si sa forme a changé.  L’exprimer à vous-mêmes peut néanmoins permettre de vous en dégager et aussi de conserver l’énergie que vous auriez mise à la réprimer.  Elle vous permet de réfléchir ensuite plus librement et éventuellement d’envisager des solutions au besoin.

Exprimer aux autres: le thermostat relationnel

Cela étant dit, la prise de conscience des émotions que l’on ressent peut aussi se faire par le biais d’un échange avec une autre personne.  En tentant d’exprimer à l’autre ses émotions, dans le respect de soi et de l’autre et en s’appropriant la responsabilité de son propre ressenti, il est aussi possible de « réparer » des situations conflictuelles, de faire des découvertes sur soi-même et sur les autres.  La psychothérapie constitue un lieu où la personne en parlant d’elle-même fait face à un miroir qui lui renvoie une image de soi revisitée, peut-être jamais encore regardée vraiment jusqu’à ce moment.  En milieu de travail, la médiation s’avère essentielle quand vient le temps de s’exprimer sainement en situation de conflit dans le but de favoriser un meilleur climat de travail.

Réévaluer cognitivement: voir autrement

La prise de conscience sans jugement des émotions permet d’envisager les événements émotionnels différemment. Prenons un exemple au travail. Vous savez que vous devez affronter un client difficile demain.  Vous vous sentez nerveux, en colère.  Vous avez peur des réactions de l’autre.  Plutôt que de vous sentir écrasé et vaincu, il est possible de réévaluer la situation et la percevoir comme un défi et non comme une menace.  Vous pouvez vous y préparer, envisager des outils, aller chercher de l’information ou du soutien, observer la situation pour en retirer un nouvel apprentissage.  Les chercheurs s’entendent sur ce point : la réévaluation cognitive favorise la performance et des interactions positives avec une émotion appropriée à l’environnement de travail ou à la tâche.

Apprendre sur soi dans l’expérience

Bon, si Elsa avait su faire tout cela, il n’y aurait pas eu de film me direz-vous!  Je suis bien d’accord, mais il faut aussi convenir qu’elle n’a pas appris la saine régulation émotionnelle tôt dans sa vie.  La famille reste le premier laboratoire d’expérience relationnelle et émotionnelle.  Heureusement, il n’y a pas d’âge pour apprendre la saine régulation des émotions.  Si vous appliquiez les « conseils pour Elsa », imaginez le soulagement que vous pourriez ressentir à ne plus lutter contre vos émotions.  Les émotions même négatives sont vos amies dans la mesure où vous leur permettez d’exister, car elles sont une partie de vous-mêmes.  Elles peuvent même vous aider à mieux performer.

Cynthia Turcotte
Psychologue, PH. D – Vitapsy
[email protected]
(514) 743-7489

Sources:

  • Paula M. Niedenthal, Silvia Krauth-Gruber, François Ric (2009). Comprendre les émotions. Perspectives cognitives et psycho-sociales, Mardaga, coll. « Psy individus, groupes, cultures », 415 p., EAN : 9782870099971. http://lectures.revues.org/6565
  • Christophe, P. Antoine, T. Leroy, G. Delelis, (2009). Évaluation de deux stratégies de régulation émotionnelle : la suppression expressive et la réévaluation cognitive. Revue Européenne de Psychologie Appliquée/European Review of Applied Psychology, Volume 59, Issue 1, Pages 59–67.
  • Craig Wallace, Bryan D. Edwards (2009). Examining the Consequences in the Tendency to Suppress and Reappraise Emotions on Task-Related Job Performance J. Human Performance, Volume 22, Pages 23–43.
  • http://en.wikipedia.org/wiki/The_Snow_Queen

Cynthia Turcotte

Psychologue, Ph.D et membre de l’Ordre des Psychologues du Québec depuis 13 ans, Dre. Cynthia Turcotte pratique dans le milieu de la santé et en pratique privée.

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Fondée par Cynthia Turcotte, psychologue, Vitapsy est un blogue consacré au mieux-être par l'entremise de conseils pratiques sur la relaxation et la détente.


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