Mistik : bien plus qu’une histoire de chimie
Se laver les cheveux apparaît comme un simple geste qui n’incite pas, à première vue, à une réflexion très poussée sur la provenance des ingrédients et leur portée géopolitique. Ça, c’était ma perception avant de discuter avec le chimiste Jean-Éric Marie, fondateur de la gamme de produits capillaires Mistik 100 % biopur, situé à Dorval. Une rencontre avec un homme à l’analyse pointue, à la détermination sans fin et aux valeurs humaines qui a bâti une entreprise à son image.
Jean-Éric Marie : un chimiste qui veut changer le monde
Pour cet entrepreneur natif de l’île Maurice, le premier déclic qui a mené à la création de la gamme Mistik s’est fait durant ses études de chimie, en France. Jean-Éric a été confronté, à cette époque, au décès d’un professeur. À ce sujet, il mentionne : « j’estimais grandement cet homme, et il est décédé des suites d’une exposition trop fréquente à des matières chimiques toxiques ». Diplômes en poche, il entreprend sa carrière de chimiste dans différentes industries, dont celle des cosmétiques.
« Occuper ces emplois durant quelques années me pousse à la réflexion. La chimie, c’est ma passion, mais les dangers sont réels », confie le créateur. À cela s’ajoutent les contraintes imposées par son employeur relativement à l’élaboration des produits. Ces deux irritants entraînent Jean-Éric à se tourner vers la chimie verte « qui se veut une alternative à la chimie classique ».
Produits capillaires 100 % naturels
Habitant Montréal depuis 2009, Jean-Éric s’est lié d’amitié avec un coiffeur qui lui exprime ses inquiétudes sur sa propre exposition aux produits chimiques qui entraîne des problèmes pulmonaires. « C’est en 2011 que je m’aperçois qu’il est impossible de trouver des produits capillaires 100 % naturels en salon. » Comme tout entrepreneur, l’homme d’affaires venait de découvrir une problématique qu’il allait passer des heures à solutionner.
Voilà l’occasion pour lancer sa marque à partir des connaissances liées à la chimie verte. « J’ai créé Mistik par pragmatisme », affirme l’entrepreneur qui a passé les deux années suivantes à créer des formules et à tester différentes solutions écologiques.
Crédit photo: Mistik
Le biologique : des recettes vivantes
La gamme de produits capillaires créée par Jean-Éric se distingue par la composition à 100 % d’ingrédients végétaux, biologiques et locaux. Lors de notre entretien, ce passionné de chimie s’enflamme en exposant l’origine étymologique du mot bio : « On entend trop souvent ce mot dernièrement, sans fondement logique. Souvent, on fait référence à un concept inventé qui n’a pas trop de sens. Simplement, la biogénique réfère à ce qui provient d’un être vivant en opposition aux matières mortes telles que le pétrole ou le charbon. »
Il pousse encore plus loin sa réflexion et fait le choix de s’approvisionner uniquement de ressources végétales, ce qui lui permet d’apposer la mention « végane » sur ses emballages au côté de « 100 % biopur » et de « 0 % toxique ». Utilisant une fois de plus sa logique et son pragmatisme, Jean-Éric respecte un des 12 principes de la chimie verte, celui de favoriser les ressources locales. « En utilisant des matières premières locales telles que les bleuets, le sucre d’érable ou l’huile de soja, je conserve un maximum de molécules actives pour obtenir des produits plus performants, tout en améliorant notre bilan carbone », indique mon interlocuteur.
Là ne s’arrête pas la conscience environnementale de l’entreprise. Tout le cycle de culture, cueillette et transformation des matières premières répond à des critères élevés en matière de préservation de l’environnement et de gestion saine des déchets.
Crédit photo: Mistik
Percer le marché québécois : se tailler une place de choix
Au moment de l’entrevue, Mistik soufflait les bougies de son deuxième anniversaire et Jean-Éric prévoyait célébrer avec sa famille et ses amis. « La solidarité dont ils ont fait preuve depuis le début de mon projet, avec du love money et des encouragements, a rendu le tout faisable. » Il mentionne aussi que « devenir entrepreneur est le plus grand test pour le couple » et qu’il s’estime chanceux d’avoir un réseau solidaire qui accepte de le voir mener ce combat où il défend avec conviction ses valeurs.
Pour réussir, Jean-Éric a travaillé fort ! Alors que les études de marché ne lui prédisaient que 3 % de chance de trouver une place sur les tablettes au Québec, il a fait preuve d’une grande persévérance durant près d’une année et demie en effectuant des tests de mise en marché. Cette ténacité a été récompensée en novembre 2016, alors que Pharmaprix lui ouvrait les portes de ses commerces partout en province.
Cette difficulté à percer le marché québécois représente « une incohérence flagrante » pour l’entrepreneur qui affirme « que l’essor de l’entreprise serait [plus grand] si j’avais choisi d’exporter à l’international dès le départ ». Un souhait de Jean-Éric pour les années futures de son entreprise : « être maître chez nous », c’est-à-dire offrir des produits capillaires made in Québec sur les tablettes de nos pharmacies et salons de coiffure.