Prévoir le divorce entre actionnaires pendant la lune de miel

Dans ma dernière chronique, qui faisait état des différentes formes d’exploitation d’entreprise, je vous mentionnais l’importance de conclure une convention entre actionnaires ou encore une convention de société lorsqu’on fonde son entreprise avec une ou plusieurs autres personnes.

Trop souvent on nie l’importance d’une convention entre actionnaires. On part en affaire avec un associé, on a plein de projets en tête, la même vision, la même énergie. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Or, l’association, comme le plus beau des mariages, peut tourner mal. Il faut donc, pendant la période de lune de miel, établir les bases, les attentes de chacun et les mécanismes de sortie d’une telle association.

Il existe trois principales raisons pour conclure une convention d’actionnaires :

  • Créer un marché à nos actions:
  • Maintenir notre pourcentage d’actions;
  • Éviter la présence de tiers non souhaité dans l’entreprise

1- Créer un marché pour nos actions

Des actions sont des titres de propriété. Comme personne ne peut vous forcer à vendre votre maison ou votre auto, à moins de rares exceptions, personne ne peut vous forcer à vendre vos actions. L’inverse est aussi vrai.

Lorsque la situation tourne au vinaigre, comment faire pour « sortir » de la compagnie ou pour « sortir » un associé qui ne fait plus l’affaire?

Avec une convention d’actionnaires, vous pouvez prévoir différents cas d’achat-vente de vos actions par les autres actionnaires ou par la compagnie.

La clause de retrait des affaires

Avec cette clause, on peut prévoir différents cas où l’actionnaire visé par une situation est forcé d’offrir en vente ses actions. Les cas les plus courants sont la démission de l’actionnaire ou son congédiement à titre d’employé de la compagnie, le défaut de respecter ses engagements, le vol, la fraude, etc.

Je recommande à mes clients d’insérer dans la convention entre actionnaires, les tâches respectives des actionnaires au sein de la compagnie et le nombre d’heures minimal que chacun doit passer au bénéfice de la société. Ainsi, si un actionnaire n’est plus très actif dans l’entreprise, on pourra le sortir de la société.

Voici quelques exemples concrets de l’application de ce genre de clause :

  • Un des actionnaires est en vacances plus que la moitié du temps ou n’a simplement plus d’intérêt et n’est plus motivé. Vous sentez que vous tirez le bateau seul.
  • Votre associé quitte ses fonctions d’employé clé de la compagnie et ne veut pas abonner son titre d’actionnaire de la compagnie.
  • Votre associé confond l’argent de la compagnie avec la sienne, et étrangement les chiffres de la compagnie n’arrivent plus.

Sans une clause de retrait des affaires, que pouvez-vous faire? Le congédier à titre d’employé de la compagnie, lui réclamer des dommages et intérêts devant les tribunaux. Vos recours sont limités. Avec cette clause, vous pouvez acheter les actions de cet actionnaire à un prix prévu à l’avance (souvent moindre de celui de la juste valeur marchande) et selon des modalités de paiement prévu à l’avance. Pas de place à l’imprévu et au conflit.

La clause shot-gun

La clause shot-gun n’est pas présente dans toutes les conventions, mais elle peut être très utile dans certains cas. On la retrouve habituellement lorsque l’entreprise est formée de deux actionnaires à parts égales (50/50).

Cette clause mentionne qu’en cas de conflit entre les deux actionnaires, l’un d’eux peut offrir à l’autre de lui acheter ses actions à un prix et selon des modalités déterminées dans l’offre. L’autre actionnaire a alors deux choix : soit celui de lui acheter ses actions ou de lui vendre les siennes pour ce prix.

C’est une clause drastique qui a pour but de mettre fin à l’impasse au sein de la compagnie. 

Autres mécanismes de retrait

Il existe aussi les clauses de décès ou d’invalidité ou encore le droit de premier refus qui permet d’acheter les actions de l’un de nos associés.


2- Maintenir notre pourcentage d’actions

Vous partez en affaire à trois, deux possèdent chacun 30 % des actions votantes et participantes de la compagnie et l’autre a 40 % des actions de l’entreprise. Vous êtes partie en affaires selon ces conditions et en toute connaissance de cause. Vous désirez maintenir ce ratio.

En l’absence d’une convention entre actionnaires ou de société, le conseil d’administration peut décider d’émettre de nouvelles actions votantes et participantes dans la compagnie, ayant pour effet de vous diluer, c’est-à-dire faire diminuer votre pourcentage d’actions dans la compagnie.

Vous avez tous déjà entendu parler du cas « Facebook » où un actionnaire subit les conséquences de la dilution. Comment l’éviter? En prévoyant une clause appelée « Droit de préemption ».

Le droit de préemption

Avec le droit de préemption, vous pouvez acquérir, au prorata des actions que vous détenez dans la compagnie, un droit d’acquérir les actions émises par la compagnie.

Voici un exemple concret : la compagnie a un besoin de 50 000 $ et décide de passer par l’émission de 50 000 actions à 1 $ pour recueillir ce capital. Vous détenez 30 % des actions de la compagnie, vous aurez le droit de souscrire, en premier, à 15 000 actions.

Ainsi, si les 3 actionnaires de la compagnie souscrivent aux actions auxquels ils ont droit : chacun maintient son pourcentage d’actions dans la compagnie.

Si un des actionnaires ne veut pas souscrire à ces actions ou vous ne désirez pas souscrire à ces actions alors, et seulement alors, le prorata entre les actionnaires (le pourcentage de chacun) sera affecté.


3- Éviter la présence de tiers non-souhaités dans l’entreprise

Comme je le mentionnais plus haut, vous décidez de fonder une entreprise avec quelqu’un parce que vous avez la même vision, les mêmes objectifs face au projet. Vous ne vous marieriez par avec n’importe qui!

Par conséquent, la convention a pour but également d’éviter la présence d’un tiers non souhaité dans l’entreprise. Différentes clauses permettent d’en arriver à cette fin. Entres autres le droit de premier refus qui indique que si un actionnaire veut se départir de ses actions, il doit d’abord et avant tout les offrir aux autres actionnaires.

Autres clauses

Il existe évidemment d’autres clauses qui peuvent être très pertinentes dans une convention de société ou une convention entre actionnaires comme la clause du conseil d’administration, ou encore la clause de non-concurrence et de non-sollicitation.


Conclusion

Chaque convention de société et d’actionnaires doit être adaptée à votre situation. Il est donc important d’éviter les modèles types.

Le but de la présente chronique était de vous sensibiliser à l’importance de telles conventions et de vous faire connaître certaines clauses qui répondent aux trois objectifs clés de telles conventions.


Sylvie Bougie
Avocate – Vigi services juridiques
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Sylvie Bougie

Me Bougie sert une clientèle très diversifiée d’entrepreneurs: composée d’entreprises en démarrage, de travailleurs autonomes, de «startup» et de PME bien établies.


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