Pourquoi signer un contrat ?

Vous rappelez-vous la dernière fois où vous avez consenti à un contrat sans en lire l’intégralité ? Probablement que cela vous est arrivé quelque part cette semaine, ou peut-être même ce matin. Que l’on parle des fameux « Termes et conditions », que l’on accepte tous les jours en défilant au bas de la page le plus vite possible, jusqu’à notre contrat de prêt hypothécaire ou notre forfait de téléphonie, plusieurs d’entre nous ont développé le sentiment que les contrats n’ont pas réellement d’impact sur notre vie.

En 2012, le journal The Atlantic rapportait que si nous avions le courage de lire tous les « Termes et conditions » et « Politique de confidentialité » que nous acceptons dans une année donnée, cela prendrait en moyenne 76 jours pour y parvenir ! Considérant que ces textes compactés sont écrits dans un jargon impossible à déchiffrer pour une personne n’ayant aucune formation juridique, il est difficile de voir la pertinence de s’affliger une telle lecture, d’autant plus que ces contrats sont généralement non négociables.

Notre société accorde ainsi peu de valeur et d’intérêt aux contrats écrits. Toutes les semaines, je rencontre des entrepreneurs qui démarrent une entreprise sans convention d’actionnaires ou qui font affaire avec des clients sans contrat de service, se contentant généralement de l’entente verbale intervenue et d’une bonne poignée de main.

Parce qu’une poignée de main, ça ne dit pas grand-chose

Il est très fréquent de voir des amis de longue date quitter leur emploi, incorporer une entreprise et se lancer ensemble en affaires. En général, la combinaison d’une relation personnelle et de moyens financiers limités les amène à se serrer la main sur une entente très simple : ils partagent tout à parts égales.

Malheureusement, les entrepreneurs oublient souvent de déterminer des aspects cruciaux à leur entente, comme la contribution de chacun ou leurs pouvoirs respectifs dans la gestion opérationnelle. Cela crée rapidement des situations conflictuelles. Par exemple, il arrive souvent que l’un des actionnaires travaille plus ou moins que les autres. Ou encore, un duo d’actionnaires est incapable de s’entendre sur une décision cruciale à l’entreprise. Parfois, l’un des actionnaires perd l’intérêt pour le projet alors que la santé financière de l’entreprise est en péril. Chaque fois, les options qui s’offrent aux actionnaires sont limitées.

J’ai personnellement eu l’expérience de voir des amitiés, et même des couples, se briser devant l’impasse de l’entreprise. Ces mêmes amis étaient convaincus qu’ils n’avaient pas besoin d’un contrat. Après tout, 100 % des personnes qui se marient sont persuadés que c’est pour la vie[1].

Le problème de la poignée de main (entente de principe), c’est que les deux personnes qui se serrent la main peuvent avoir en tête une réalité bien différente, et ce, sans le savoir. L’utilité d’un contrat écrit est d’abord de prendre le temps de discuter de son entente avec son partenaire, que celui-ci soit un ami, un conjoint, un collègue ou un client. Le tout permet de s’assurer que les deux parties ont une compréhension équivalente de leur entente dans tous ses aspects (prestations des deux parties, modalités de paiement, fin de l’entente, etc.). Le côté sombre d’une poignée de main n’est pas ce qu’elle représente, mais tout ce qu’elle omet de préciser.

Parce qu’une poursuite judiciaire, ça coûte cher…

Au Québec, une poursuite judiciaire, c’est généralement des milliers, voire des dizaines de milliers de dollars en frais judiciaires et en honoraires d’avocat, ainsi qu’une quantité considérable de temps, le tout, étalé sur plusieurs années. Comme avocat en litige commercial, je peux vous assurer que l’absence de contrat, ou la présence d’un contrat incomplet, inexact ou ambigu est, de loin, l’une des premières causes d’une poursuite judiciaire. Lorsque le contrat est clair et non équivoque, il est beaucoup plus facile de régler votre dossier à l’amiable que lorsqu’il faut s’en remettre à une jurisprudence parfois ambiguë sur la question.

En janvier dernier, je plaidais un dossier de litige commercial devant la Cour du Québec. Le contrat qui régissait les parties prévoyait un délai de huit (8) semaines pour permettre à l’une des parties de trouver du financement. Le débat reposait principalement sur le fait que ce délai de huit (8) semaines n’avait pas été respecté, mais j’ai argumenté que ce délai n’était pas précisé être « de rigueur » dans le contrat. Ces deux mots auront finalement valu un peu plus de 20 000 $ et deux ans de procédures judiciaires.

C’est là toute l’utilité de faire affaire avec un professionnel pour les ententes importantes pour votre entreprise. Votre avocat a une excellente connaissance des risques liés à une relation d’affaires et vous posera les bonnes questions au bon moment pour éviter des problématiques futures.

D’une certaine façon, un contrat mal rédigé est pire qu’une poignée de main : non seulement il peut omettre des détails importants, mais il peut également introduire une clause problématique dont les parties n’ont jamais discuté.

Conclusion

En conclusion, prenez le temps de réfléchir et de préparer adéquatement vos contrats. La plupart de mes clients, à qui je reproche de ne pas avoir signé d’entente, me répondent : « Je ne pensais pas que ça finirait comme ça ». Le rôle de votre avocat, c’est de le savoir.

[1] Le taux de divorce se situe autour de 50 % depuis les années 80 : http://affaires.lapresse.ca/finances-personnelles/201007/20/01-4299645-le-portrait-du-mariage-au-quebec.php.

Anthony Quevillon

Avocat en droit commercial pour PME depuis le début de sa pratique, Anthony spécialise en droit corporatif, litige commercial et propriété intellectuelle. Passionné d’entreprenariat, il est également impliqué un peu partout dans le milieu des start-up québécoises.

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