Les incontournables du prédémarrage

Un résumé de la Grande rencontre des jeunes entrepreneurs du monde francophone

Le 27 avril dernier se tenait la Grande rencontre des jeunes entrepreneurs du monde francophone, organisée par la Jeune Chambre de commerce de Montréal. Pour l’occasion, on m’a demandé de prendre part à un panel d’experts en démarrage d’entreprise intitulé : Planifiez votre prédémarrage. J’ai eu le grand plaisir de partager la scène avec Nawal Hanani et Yvan Fournier, tous deux de la Fondation Montréal inc.

Pour celles et ceux qui n’ont malheureusement pas eu la chance de prendre part à cet évènement exceptionnel, je vous partage ici quelques-unes de mes interventions à titre de panéliste invité.

jplecuyer

Être ou devenir entrepreneur?

Voilà une question qui hante les chercheurs et les entrepreneurs eux-mêmes ! Existe-t-il un ingrédient secret qui fait d’une personne un entrepreneur ? Est-ce que les entrepreneurs possèdent des traits particuliers qui soient innés ?

Je me surprends encore à entendre certaines personnes affirmer, soit directement ou indirectement, que de tels traits existeraient. Alors, que ce soit bien clair une fois pour toutes, la réponse est NON ! Non, hors de tout doute raisonnable, comme on le dit à la cour pénale ! On les a cherchés longtemps, ces traits innés, sans jamais les trouver pour autant.

Dans le champ d’étude de l’entrepreneuriat et du leadership, il y a eu tout un courant de pensée qui voulait que l’entrepreneur et le leader soient des surhumains nés. Les chercheurs ont conduit d’innombrables études dans le but de déterminer les caractéristiques du leader né et celles de l’entrepreneur né. Des traits de personnalité aux milieux socioéconomiques, en passant par les traits physiques et même l’état de santé générale, on a tenté de trouver ce qui était à la base du leadership et de l’entrepreneuriat. Savez-vous quoi ? On n’a rien trouvé du tout !

On n’a aucune raison scientifique de croire qu’on naitrait leader ou entrepreneur. Aucune ! Au même titre qu’on n’a aucune raison de croire que le jus de citron puisse réduire les masses cancéreuses, on n’a aucune raison scientifique de croire qu’être entrepreneur soit inné.

Cela dit, ce courant de pensée a tout de même légué des connaissances intéressantes pour l’entrepreneuriat, notamment l’importance des modèles dans l’émergence du potentiel entrepreneurial d’une personne. C’est ce qui a donné naissance à des programmes de mentorat, tel celui de Futurpreneur Canada.

Par ailleurs, les études dans le domaine ont révélé que les entrepreneurs avaient certaines motivations communes. Parmi les plus importantes, on note le besoin de réalisation, l’envie de prendre ses propres décisions, le besoin d’avoir un impact sur le monde qui les entoure, ce à quoi se rajoute le sentiment d’avoir un impact sur la société (internal locus of control).

Les entrepreneurs sont donc majoritairement animés par les mêmes motivations. Cela dit, on ne naît pas entrepreneur ! On le devient au moment où l’on met en branle un projet d’affaires.

De là débutent les bonheurs et les embuches de la vie d’entrepreneur. Tel un mariage entre l’entrepreneur et son projet, ce sera ensuite pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à ce qu’une autre opportunité les sépare. On en reparlera dans un prochain article !

Commencer avec de petites bouchées

Être visionnaire fait partie de la pensée entrepreneuriale. Voir grand est non seulement souhaitable, c’est également un outil de planification au quotidien. Ce n’est pas la première fois que je le mentionne, la vision d’affaires est le principal outil de planification stratégique de l’entrepreneur, faits à l’appui.

Cela dit, être visionnaire n’a pas que de bons côtés. Plusieurs entrepreneurs font l’erreur de gonfler leur coût de démarrage, de sorte que le projet devienne soudainement irréalisable.

Il s’agit d’une erreur classique en démarrage d’entreprise, c’est-à-dire d’avoir des coûts de démarrage gargantuesques. Lorsqu’un entrepreneur me dit qu’il a besoin de 350 000 $ pour réaliser son projet d’affaires, je lui demande de me revenir dans une semaine avec un coût de projet de 4 000 $. Je le fais alors travailler sur un scénario réaliste qui lui permettra de faire une première vente avec un aussi petit montant.

Une fois que l’entrepreneur a réalisé cet exercice, je lui dis : « Excellent, maintenant je vais te donner 41000 $ de plus pour le réaliser, avec notre programme de démarrage. Maintenant, on peut parler business ensemble! »

Beaucoup d’entrepreneurs incluent dans leur coût de démarrage des ressources qui ne devraient être acquises qu’au moment de la croissance. Prenons l’exemple d’un local commercial. Est-ce réellement nécessaire lors de votre démarrage ? Peut-être que ça l’est dans votre cas spécifique. Cela dit, dans 80 % des cas, ça ne l’est pas !

Peut-être que vous visez d’avoir un pignon sur rue au centre-ville de Montréal, mais est-ce qu’aujourd’hui vous avez besoin de ce local pour réaliser votre toute première vente ? Je suis presque certain que non ! Il y a une foule d’autres possibilités pour distribuer votre produit ou offrir votre service. Pour n’en nommer que quelques-uns : le modèle de vendeur itinérant, les boutiques éphémères, le coworking, la distribution en ligne, le partage d’un espace avec un autre commerçant ou encore l’utilisation des locaux de différents partenaires. C’est merveilleux, non ? Ça s’appelle… l’an 2017 ! Aujourd’hui, faire des affaires demande peu de ressources et on peut faire preuve de créativité.

Pour démarrer eBay, Pierre Omidyar a eu besoin d’un simple ordinateur. De son salon, il a investi quelques heures par semaine dans ce nouveau projet. Alors, pourquoi auriez-vous absolument besoin, dès le départ, d’un équipement spécialisé à 75 000 $ ou encore d’un local qui vous couterait 3 500 $ mensuellement ?

Bien qu’il soit parfois difficile, voire impossible, de réduire la taille initiale de certains projets d’affaires, il reste que la grande majorité d’entre eux peuvent subir cette cure minceur que je leur impose dès mon premier coaching. Il en va du potentiel de réalisation de votre projet et de son éventuelle rentabilité ! Comme le dit si bien Gaby Gravel, c’est un pensez-y-bien!

La planification opérationnelle

Le plan des opérations est sérieusement négligé par la plupart des entrepreneurs. Je travaille d’ailleurs à l’élaboration de capsules éclair pour aider les entrepreneurs à améliorer leur plan opérationnel.

Mais pourquoi donc le plan des opérations est-il le mal-aimé des entrepreneurs?

La raison est assez simple. L’entrepreneur qui se lance en affaires visualise assez facilement son projet d’affaires. Il a une image claire du quotidien de sa future entreprise en termes opérationnels. Cela dit, cette image est simpliste et biaisée.

Par contre, l’entrepreneur a souvent l’impression que cette image est assez proche de la réalité. C’est pour cette raison qu’il croit avoir pensé à tout sur le plan des opérations, alors que ce n’est pas du tout le cas.

À cette étape, un exercice de planification opérationnelle s’impose. Dans un premier temps, il s’agit de mettre sur papier tous les besoins en termes de ressources humaines et matérielles. Ensuite, on fait ressortir les éléments logistiques et les risques.

L’exercice de la planification opérationnelle révèle aux entrepreneurs une foule d’éléments inconnus. Sans exception, tous les clients que j’ai accompagnés dans cet exercice m’ont fait part de la richesse de cette démarche pour leur projet.

Et alors, pourquoi faire une planification opérationnelle?

Au final, ce sera la planification opérationnelle qui fournira à l’entrepreneur les données nécessaires pour la réalisation des projections financières. Le plan des opérations est donc la première étape de la planification financière. Elle est un élément-clé du prédémarrage.

Un conseil pour votre démarrage

À la fin du panel, on m’a demandé quel conseil je donnerais aux entrepreneurs qui souhaitent lancer leur entreprise prochainement.

Vous voulez un seul conseil? Planifiez votre bonheur quotidien!

Trop d’entrepreneurs démarrent une entreprise en étant motivés uniquement par son potentiel de croissance. C’est faire fausse route !

Bien que ce soit noble d’être ambitieux, il est important que l’entrepreneur soit d’abord motivé par le quotidien de sa future entreprise. Par exemple, avant de devenir un franchiseur de salons de thé, l’entrepreneur va en servir un bon bout de temps… du thé ! Alors, il est important que la tâche l’interpelle. S’il déteste servir le thé, les journées seront longues et la réalisation du projet d’affaires sera en péril.

Entreprendre, c’est mettre en place un modèle d’affaires à partir de ses propres forces et surtout, de ses propres intérêts.

Cette conception nouvelle de l’entrepreneuriat est en rupture avec un courant de pensée qui a longtemps prédominé. Encore récemment, on évaluait une opportunité d’affaires de façon froide, logique et détachée. On tentait de rendre compte de son potentiel de rentabilité en faisant abstraction des éléments socioaffectifs liés à l’entrepreneur. Une telle conception de l’entrepreneuriat est non seulement naïve et archaïque, mais elle est également révolue.

Les efforts en matière de recherche et de pratique sur le terrain nous ont démontré que les projets d’affaires ayant le plus de succès tirent leur origine des aspirations, valeurs et habilités des promoteurs.

Un seul conseil ? Planifiez votre bonheur et le reste suivra !

Jean-Philippe L'Écuyer

Jean-Philippe accompagne quotidiennement les entrepreneurs en démarrage d’entreprise. Il a aidé plus de 250 entrepreneurs à se lancer en affaires et a levé plus de 4,5 M$ en financement d’amorce. Coach professionnel, il est également titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en entrepreneuriat de HEC Montréal. Il est le fondateur de Vision et Mission, un blogue sur le démarrage d’entreprise.

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