La planif stratégique, pas à n’importe quel prix

J’étais assise avec un client qui connaît une croissance importante depuis plusieurs années. La rencontre avait lieu pour évaluer notre dernière offensive marketing autour du 50e anniversaire de l’organisation. On a profité de l’occasion pour faire le point sur l’ensemble des projets de communication et de développement issus, en majorité, de la planification stratégique de 2017.

 

On a parlé des bons coups et des coups de gueule… On a évoqué les choix qui s’offraient et qui venaient avec la croissance. Mon client a souligné le 1 M de dollars investis depuis 10 ans; j’ai attiré son attention sur le nombre d’employés qui avait triplé. Puis, au bout de quelque temps, LA question est tombée: faut-il vraiment reprendre l’exercice de planification stratégique? Sous-entendu: celui de 2017 n’est-il pas toujours d’actualité? Ne vise-t-on pas encore les mêmes objectifs?

La conversation qui a suivi avec mon client fut très intéressante. D’une part, j’avais personnellement besoin de reprendre contact avec mon enthousiasme et ma ferveur envers l’exercice de planification stratégique. D’autre part, mon client avait lui aussi besoin de prendre conscience que tout plan, avec le temps, se réalise en grande partie, s’avère mauvais à certains endroits et amène l’équipe, l’organisation… ailleurs et, souvent, pas tout à fait où on avait «prédit» qu’on serait.

Quand on réalise qu’on est rendu là, dans cet «ailleurs», alors oui, on sait qu’on doit retourner aux cahiers à dessin, repenser, revisiter, créer une nouvelle vision.

Il suffit de prendre le temps

Planif stratégique - Homme collant des post-it sur un tableau blanc

Bousculer nos idées reçues, les confronter aux nouvelles réalités, se réinventer, on sait, théoriquement, que c’est une excellente formule, que c’est payant. Alors, c’est simple, on le met à l’horaire pour 2020!

Euh… vraiment? Si c’est si simple, comment expliquer que tant d’exercices de planification stratégique ne donnent que de piètres résultats côté performance ou motivation des troupes?

Comprendre le véritable enjeu derrière toute planification stratégique

De façon générale, particulièrement en affaires, on a tendance à penser que les gens ont une façon stable de percevoir la valeur de quelque chose, en l’occurrence, la planification stratégique. Cependant, Mullainathan et Shafir, en s’appuyant sur des recherches de pointe en science du comportement et en économie, indiquent que «dans l’action», la perception de la valeur est souvent malléable et influencée par des caractéristiques contextuelles non nécessairement pertinentes sur le plan global ou à long terme. Il a même été démontré que lorsque la rareté influence la cognition, elle rend les gens moins sensibles aux effets de contextes classiques, signe qu’elle engendre une psychologie similaire (un mindset) pour tous ceux qui luttent pour gérer avec moins que ce dont ils ont besoin.[1]

Autrement dit:

  • Quand les objectifs sont atteints et que la croissance est au rendez-vous, même si on croit à l’exercice de vision et de planification stratégique, on a de la difficulté à y mettre le temps, l’énergie et les ressources nécessaires. On pense que, de toute façon, il est plus profitable de travailler sur le quotidien, sur les clients, sur les projets.
  • Quand les objectifs ne sont pas atteints et que la croissance n’est pas au rendez-vous, même si on croit à l’exercice de vision et de planification stratégique, on pense qu’il est plus profitable de travailler encore plus fort sur le quotidien, sur les clients, sur les projets.

De plus, je crois que, de façon générale, on ne s’adonne pas vraiment à l’exercice. On ne prend souvent pas les moyens pour véritablement prendre du recul, analyser ce qui a été et voir ce qui s’en vient. En gros, on n’accorde pas assez de temps, d’énergie et de ressources à l’exercice de planification stratégique.

Des actions spécifiques et une vision globale

Planif stratégique - Chaise blanche accotée sur un tableau blanc sur lequel plusieurs notes sont prises

Il faut donc réfléchir, mesurer nos progrès, comprendre ce qui s’est passé et nommer ce qui aura du sens aujourd’hui et demain pour notre organisation, nos employés, nos clients, nos partenaires et les communautés autour. Peu importe l’approche et les méthodes employées, l’idée est toujours de structurer les stratégies, les objectifs et les moyens des deux, trois ou cinq prochaines années, puis de les inscrire dans le courant dans lequel l’organisation se situe et qui relie sa raison d’être avec sa vision (la cause). La précision est importante; la concision l’est tout autant.

L’équilibre entre le spécifique et le global est primordial pour que les employés y croient, qu’ils se l’approprient et que cela amène plus d’énergie, de collaboration et de performance.

Alors, c’est foutu?

Tout comme dans mon exemple, si on reconnaît qu’un nouveau chapitre de l’organisation s’ouvre, on doit essentiellement comprendre qu’il est possible — et même probable — de ne pas ressentir l’urgence de faire une planification stratégique. Si on choisit d’aller de l’avant, on prend les moyens adéquats pour protéger l’exercice afin de le faire dans les règles de l’art et d’en obtenir le plein potentiel.

[1] MULLAINATHAN, Sendhil, SHAFIR, Eldar. Scarcity: Why Having Too Little Means So Much, New York City, Times Books, 2013, 302 p.


Crédit photo à la une: Freshh Connection
Crédit 2e photo: You X Ventures
Crédit 3e photo: Yucel Moran

Stéphanie Dupuis

J’accompagne les organisations et les leaders à se développer et à se propulser.

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