La médiation organisationnelle pour gérer les conflits

Il est illusoire de croire que l’on peut éviter tous les conflits. Cependant, ces derniers doivent être gérés et, lorsqu’ils le sont adéquatement, ils peuvent être source de changements et d’améliorations.

En revanche, un conflit mal géré, quel qu’il soit, aura inévitablement des répercussions sur l’ensemble du milieu de travail : sur la santé physique ou mentale des personnes, sur la productivité d’un département, sur le taux de roulement, sur le taux d’absentéisme, ou même, sur la réputation d’un secteur.

La médiation organisationnelle, c’est quoi ?

La médiation est un « processus consensuel de construction ou de réparation du lien social et de gestion de conflits, dans lequel un tiers impartial, indépendant et sans pouvoir décisionnel, tente, à travers l’organisation d’échanges entre les personnes ou les institutions, de les aider soit à améliorer ou à rétablir une relation, soit à régler un conflit » (Faget[1]).

Autrement dit, la médiation organisationnelle est un processus confidentiel où les parties sont pleinement en contrôle des solutions qu’elles retiendront, et où le médiateur est le gardien du processus, mais il n’a aucun pouvoir décisionnel. La médiation organisationnelle est un mode loin des sentiers habituels d’une justice adjudicatrice, qui impose une solution, qui tranche. Dans une médiation, les parties sont maîtresses des solutions qui seront adoptées et les parties d’une organisation ne sont pas exclues du processus.

La médiation organisationnelle s’éloigne donc d’un mode qui recherche la vérité, d’un mode qui statue sur « qui a tort ou qui a raison ». La médiation ne doit pas être vue comme un système de justice de deuxième classe. D’ailleurs, le législateur considère dorénavant les modes de résolution des conflits comme une étape avant de s’adresser aux tribunaux. Nous allons l’aborder.

La médiation organisationnelle représente aussi la possibilité de gérer un conflit en pensant à la pérennité de la relation entre les parties. En d’autres termes, il est important de comprendre les raisons qui ont mené au conflit, mais les participants regarderont vers le futur et décideront ensemble ce que sera leur relation et les mécanismes qu’ils mettront en place pour la suite. De plus, lorsque l’on parle de pérennité d’une relation, il est parfois plus facile d’impliquer une tierce personne externe à l’organisation pour résoudre un différend.

Il existe plusieurs approches, mais, quel que soit le type de médiation retenu, il ne s’agira d’une réelle médiation que si certains critères sont satisfaits. Aussi, cette médiation est généralement menée par un médiateur qui, qu’il soit agréé par l’IMAQ[2] ou non, devra respecter certains comportements en vertu du N.C.p.c. Nous allons détailler ces différents aspects. 

Que dit la loi ?

En février 2014 a été adopté le Nouveau Code de procédure civile du Québec (ci-après « N.C.p.c »). Il est en vigueur depuis janvier 2016.

Le législateur a décidé de prévoir, dans l’article 1, que : « les parties doivent considérer le recours aux modes privés de prévention et de règlement de leur différend avant de s’adresser aux tribunaux ». Parmi ces « modes privés de prévention et de règlement des différends » se trouvent plusieurs styles de résolution des conflits : la négociation, la médiation, la conciliation ou encore l’arbitrage. Ces modes sont-ils tous similaires ? Non. Les parties n’ont pas le même pouvoir dans la recherche de solutions. En effet, lorsque les parties se soumettent à un arbitrage, par exemple, elles donnent à un arbitre le pouvoir de trancher et d’imposer une décision qui sera exécutoire. A contrario, si certains critères sont satisfaits, les parties pourront choisir elles-mêmes les solutions qu’elles jugent mutuellement acceptables en s’asseyant à la table de médiation.

Les critères indispensables à une médiation

Afin de respecter les dispositions prévues à l’article 2 du N.C.p.c, un médiateur doit toujours s’assurer que les participants à la médiation :

  • le sont de façon libre et volontaire ;
  • s’engagent dans le processus de bonne foi ;
  • mettent les meilleurs efforts et divulguent les informations nécessaires au bon déroulement de la médiation ;
  • s’engagent à participer dans le respect des personnes et du processus ;
  • respectent la proportionnalité concernant les coûts engendrés entre le temps exigé, la nature et la complexité de leur différend ;
  • respectent la confidentialité du processus et des discussions (article 4 du N.C.p.c).

Le fait de participer de façon « libre et volontaire » sous-entend également la possibilité que si une partie désirait abandonner la médiation, elle pourrait le faire en avisant le médiateur au préalable ainsi que les autres parties. Le retrait possible d’une médiation est prévu à l’article 604 du N.C.p.c.

Si ces critères sont respectés, alors nous sommes dans un processus de médiation. Ces critères visent à démontrer l’engagement et la participation active des parties dans le processus de médiation et évite qu’une partie se présente en médiation avec un « agenda caché » ou, autrement dit, qu’elle se présente pour obtenir des informations en vue d’un processus ultérieur (arbitrage, etc.) en n’en divulguant aucune. Si tel était le cas, le processus de médiation n’aurait plus lieu d’être ; le médiateur pourrait en imposer la fin.

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Crédit photo: Vladimir Proskurovskiy

La médiation est-elle toujours possible ?

Non. Pensons à certaines situations comme le harcèlement sexuel ou des conflits impliquant une différence très grande de niveau hiérarchique entre les deux parties, la collaboration serait alors plus ardue, voire impossible, en raison des émotions ou par le fait que les personnes ne sont pas sur le même « pied d’égalité » au sein de l’organisation et n’ont, de ce fait, pas le même pouvoir décisionnel. Dans ces cas-là, la situation sera très certainement gérée avec une enquête en matière de harcèlement (et parfois même de nature criminelle) ou d’un arbitrage.

Concrètement, comment se passe une médiation ?

Les participants à la médiation sont rencontrés séparément par le médiateur, c’est l’étape de la prémédiation. Cela permet au médiateur de mieux cerner les raisons pour lesquelles le conflit existe, mais, surtout, de bien expliquer aux participants les règles du processus. C’est à cette étape que le médiateur s’assure que les critères essentiels à la médiation sont satisfaits.

Les personnes directement impliquées dans le conflit pourront alors s’asseoir ensemble en vue de trouver une entente. Elles devront entamer la médiation en abandonnant leurs positions (points de vue). C’est ce qui se trouve sous ses positions, soient leurs besoins et leurs intérêts, qui devront être exprimés afin que des solutions compatibles et acceptables pour les deux parties soient envisagées. Le processus a pour but de mener les parties à résoudre leur conflit. Le tout est consigné par écrit. L’entente, comme le processus, est confidentielle.

Comme nous l’avons évoqué au début de cet article, les différents acteurs de l’organisation ne sont pas exclus de la médiation organisationnelle. Le médiateur identifiera les parties impliquées dans le conflit et celles qui auraient la possibilité de favoriser ou d’empêcher la bonne exécution de l’entente par la suite. Le médiateur pourrait suggérer une médiation « tripartite » qui prévoit les deux parties en conflit et une personne représentante de l’organisation (généralement un gestionnaire ou une personne des ressources humaines) afin de s’assurer de la faisabilité des solutions retenues et du respect de l’entente par la suite.

Le médiateur pourrait également suggérer une médiation « bipartite », seulement entre les deux parties au conflit, sans un représentant de l’organisation. Le médiateur n’ayant pas de pouvoir décisionnel, il ne pourrait être garant de la faisabilité de l’ensemble des solutions trouvées par les parties. Une médiation bipartite pourrait également avoir lieu entre le Syndicat et l’employeur dans une situation qui ne concerne pas un grief individuel, par exemple, mais une disposition qui concerne l’ensemble des employés.

Le médiateur

Pour mener à bien une médiation, le médiateur doit posséder des qualités, dont l’impartialité et le respect de la confidentialité. Un médiateur est non contraignable. Il ne pourra pas être appelé à témoigner sur une médiation qu’il a conduite. Cette confidentialité est un des facteurs qui favorisent la participation des parties à la médiation. Aussi, il est important de préciser que le médiateur ne donne pas de conseils juridiques aux parties. Il les invitera néanmoins à consulter un professionnel compétent selon la nature de leur différend.

Conclusion

Les parties devront adopter une attitude collaborative pour mener à bien une médiation et le médiateur fera tout ce qui est en son pouvoir pour établir un climat de confiance. Le médiateur travaillera avec les parties sur les biais potentiels qui seraient un frein à la collaboration. La confiance s’installera si la médiation est conduite dans le respect, que les parties ont un temps de parole équitable, qu’elles se sont senties entendues et comprises.

[1] Jacques Faget est un chercheur français, professeur universitaire, médiateur et conférencier. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages dont Médiations : les ateliers silencieux de la démocratie, 2010. Éditions Érès, 2015.

[2] Institut de Médiation et d’Arbitrage du Québec.

Crédit photo à la une: Alexis Brown

 

Severine Paladini

Severine Paladini est consultante en ressources humaines et relations de travail et fondatrice de « Expertise H2H ». Elle est membre de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés et titulaire d’un baccalauréat en Relations industrielles de l’Université Laval, à Québec.


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