Le bonheur au travail, c’est faire du vélo
Récemment, j’ai remarqué que le bonheur au travail est devenu très tendance sur les réseaux sociaux : #bonheur au #travail, #CHO (pour Chief Happiness Officer) et autres hashtags de tout acabit… Même si je salue ce nouvel ingrédient ajouté à la recette du succès pour nos organisations, je crains en même temps une nouvelle tyrannie du « paraître » au détriment d’un réel bien-être.
Pour être bon, il faut être bien*
Évidemment, privilégier la performance et la productivité dans l’unique but de la profitabilité ne fonctionne pas. Au fil des études et des avancées, notamment en neuroscience, nous avons bien compris qu’un leadership adapté et cohérent est nécessaire pour engager et mobiliser une communauté de travailleurs, de clients et de collaborateurs envers notre organisation. Donc oui, la recherche du bonheur de cette communauté intégrée à notre vision d’entrepreneur est effectivement porteuse de meilleurs lendemains. Encore ne faut-il pas tomber dans les pièges !
Dans cette ère d’instantanéité, de photos-avec-filtre-qui-cachent-mon-réel-état et de repas-santé-livrés-à-domicile — sans-chichis, il est facile — si on n’y réfléchit pas assez sérieusement — de tomber dans le gnangnan et de traiter le « bonheur au travail » comme un but ou comme l’atteinte de conditions idéales. Car disons-le haut et fort : le bonheur au travail ne se cache pas derrière le nec plus ultra en matière de café ou dans une pause yoga (quoique cela y contribue… en partie).
Le bonheur n’est pas un endroit, ni une chose, ni une destination
Se donner de l’espace et du temps pour réfléchir à notre intention, à notre vision d’entrepreneur. Ish. Pas très sexy ! Pourtant, avant d’entamer tout projet pour mobiliser votre équipe (que ce soit vous, quelques personnes ou plusieurs dizaines d’employés), assurez-vous de nommer avec clarté et précision votre identité, vos croyances, vos philosophies envers votre organisation, votre travail, votre communauté d’affaires (j’inclus ici clients, collaborateurs et employés) et plus particulièrement envers vous-même. Car le seul leadership puissant provient de la résonance de nos propres idées qui se répercutent dans l’esprit, dans le cœur des autres.
Ce qui est vivant n’est jamais stable !
Je vous fais une image. Le bonheur, c’est faire du vélo. Être en action, rouler doucement en regardant le paysage ou à toute vitesse dans un contre-la-montre… Le bonheur, c’est aussi manquer un coup de pédale, planter de tout son long et se casser la figure, se beurrer les mains en rembarquant la chaîne. Le bonheur, c’est tout cela à la fois… Mais ce n’est jamais « LE » vélo ni la fin du trajet, d’ailleurs.
Pour être bon, il faut aussi du travail, de l’inconfort et oui, du vertige
Alors, si le bonheur au travail (et dans la vie), c’est comme faire du vélo, ajoutons quelques éléments pour parfaire l’analogie. Vous faites du vélo depuis un certain temps. Il y a belle lurette que la danse de vos pieds ou les paysages familiers ne vous satisfont plus. Certes, vous êtes confortable, mais vous n’êtes plus emballé d’enfourcher votre bécane, voire peut-être même emmerdé. Alors, pour vous « repartir », vous songez à rouler à flanc de montagne, à vous entraîner pour une course ou un autre défi exaltant à vos yeux… Eh bien, la performance, la créativité, l’innovation ne sont-elles pas aussi favorisées quand on y travaille fort, quand il y a de la variété au menu, quand quelque chose dérange, quand tout n’est pas « lisse » ?
Finalement, je suis loin de penser que c’est une mauvaise chose de parler de bonheur au travail, au contraire. Je comprends aussi qu’on ait choisi un mot plus sexy et plus court (!) qu’« un environnement favorable à l’épanouissement et au bien-être de notre organisation, de nos gens et de nos communautés ». Cependant, si j’adhère avec joie au raccourci côté vocabulaire, il en va tout autrement pour la réflexion et la démarche de changement (le Why et le How) nécessaires pour intégrer la notion de bonheur au travail à la culture organisationnelle.
Bon, on va faire un tour avant de retourner au boulot ?
* Je vous suggère de lire l’excellent article dans La Presse de Maxime Boilard sur le sujet : La Presse