conflits et harcèlement au travail, mieux vaut prévenir que…

Votre meilleure carte à jouer : la prévention !

Si vous ne deviez retenir qu’une seule chose du présent article, soyez convaincu de ceci : l’évitement ne fonctionne pas. Un conflit ne se règle pas seul avec le temps, il s’envenime. Autrement dit, il faut gérer un conflit, et avec diligence de surcroît, dès qu’il prend naissance, que vous en êtes informé ou que vous en êtes témoin, dépendamment de votre rôle dans l’organisation.

Le piège est de penser que « c’est de l’enfantillage » ou que « ça va se tasser ». Un conflit non géré ou mal géré aura inévitablement des répercussions sur l’entreprise : sur la santé des personnes, sur la productivité d’un département, sur le taux de roulement, sur le taux d’absentéisme ou même sur la réputation d’une compagnie. De bons employés ou des clients informés de certaines formes de conflits internes pourraient décider de quitter une entreprise ou de ne plus traiter avec elle. En revanche, un conflit géré de façon adéquate, avec impartialité, empathie, sans jugement et dans la recherche d’une solution pourra être source d’améliorations et, au final, vécu de façon positive. Il en est de même lors d’une possible situation de harcèlement au travail. La rapidité d’action minimisera les impacts.

Que dit la loi ?

Une entreprise de juridiction provinciale a l’obligation de prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, de la faire cesser (art. 81.19 de la Loi sur les normes du travail). Cette obligation en est une de moyens et non de résultats. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que l’entreprise doit mettre tout en œuvre pour éviter une telle situation sans pour autant garantir d’y arriver.

Une entreprise de juridiction fédérale n’est pas soumise à la Loi sur les normes du travail, mais voit sa responsabilité résider dans l’article 124 et les suivants du Code canadien du travail : « l’employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et sécurité au travail ».

Qui sont les responsables ?

Mais attention, un climat de travail sain est la responsabilité et le devoir de tous les acteurs de l’entreprise : l’employeur et ses représentants (gestionnaires), mais aussi les collègues ou les clients avec lesquels un employé devrait traiter.

Les obligations d’une Politique de prévention sont étendues dans le temps. Elles ne sont pas seulement valables sur les heures de bureau. Un collègue ou un gestionnaire qui userait d’intimidation, de gestes ou de paroles inappropriés, y compris en dehors des heures ou des lieux du travail, contreviendrait à la Politique de l’entreprise. Dans l’univers actuel des médias sociaux et des cellulaires omniprésents, des messages textes inappropriés, même s’ils sont envoyés à l’individu et non au « professionnel », seront traités de la même façon. Une personne victime d’intimidation, d’abus ou de harcèlement au travail ne vit pas la chose différemment qu’elle soit sur les lieux du travail ou non, en dehors des heures de travail ou non.

Comment une entreprise s’assure-t-elle de respecter les attentes prodiguées par les différentes lois en termes de prévention ?

  • En instaurant, par exemple, une Politique de prévention en matière de conflits et de harcèlement et en s’assurant que cette politique soit connue et respectée de tous les employés. Des gestionnaires et des employés bien formés sur cette question permettent également une meilleure prévention puisqu’ils seront plus réactifs s’il y a des manquements aux comportements attendus.
  • En formant les gestionnaires sur les situations à risques : gestion de la discipline, gestion de la non-performance, iniquité, courage managérial, etc.
  • En prônant une bonne communication et de la transparence : véhiculez qu’il n’y a aucune tolérance pour des comportements comme le harcèlement et les possibles conséquences suite à de tels agissements.
  • En étant attentif au manque de courage managérial observé.
  • En mettant en place des tableaux de bord, des indicateurs qui permettront de déceler les potentiels enjeux comme, par exemple, un fort taux de roulement dans un département, un accroissement du taux d’absentéisme, etc.
  • En gérant la civilité. Il y a des manières de s’exprimer, oralement comme à l’écrit. Des standards de politesse doivent être établis et respectés pour que chacun sache ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Les abus langagiers ou des courriels sans aucune forme de politesse sont souvent une source de dérapage.

Comment identifier un conflit ou du harcèlement ?

Qu’est-ce qu’un conflit ? Il s’agit, selon la définition[1], d’« une opposition de sentiments, d’opinions, d’intérêts ». Cette opposition crée des tensions, des non-dits, des perceptions, mais aussi des confrontations plus ou moins intenses. Il faut donc différencier « un conflit » d’une simple mésentente ou d’un désaccord. Êtes-vous face à deux personnes (ou plus) qui ne sont pas d’accord sur un sujet et qui l’ont exprimé ou face à des personnes qui ne souhaitent plus travailler ensemble ?

Qu’est-ce que du harcèlement ?

La définition du harcèlement au travail est la suivante : « Des gestes hostiles ou non désirés, une conduite vexatoire, une atteinte à la dignité ou à l’intégrité de la personne, une conduite qui a un effet néfaste sur le milieu de travail »[2]. Pour qu’une situation soit qualifiée de harcèlement, elle devra répondre à tous ces critères. Il y a également la notion de répétition des faits, à moins qu’un seul événement soit jugé suffisamment grave, c’est-à-dire qu’il a engendré les mêmes conséquences.

Contrairement au conflit, il y a généralement, dans une situation de harcèlement, un rapport de « force/faiblesse », de « dominant/dominé ». Nous sommes face à une situation sournoise, à un conflit qui n’a pas éclaté, à des paroles ou des gestes qui sont allés trop loin devant témoins ou portes fermées.

Une accusation de harcèlement est une accusation grave et qui est lourde de conséquences pour la personne plaignante comme pour celle mise en cause. Dénoncer ou faire face à des accusations n’est facile pour personne. Lorsqu’une telle situation est connue de l’employeur ou de ses représentants, il est préférable de mettre en place une mesure transitoire. Idéalement, il est recommandé, lorsque cela est possible, qu’une des personnes soit transférée dans un autre secteur momentanément ou qu’elle relève hiérarchiquement d’une autre personne, etc. Parfois, la personne plaignante est en congé maladie lorsqu’elle dépose sa plainte, donc la mesure transitoire est, par le fait même, déjà en place. Cette mesure permet de limiter ou de faire cesser les contacts et donc, de faire cesser une situation.

Qu’est-ce qui n’est pas du harcèlement ?

Il est important de nommer ici les situations qui sont souvent confondues avec du harcèlement, mais qui n’en sont pas et qui relèvent d’un droit de gestion comme le suivi d’un dossier disciplinaire, le suivi au niveau de l’absentéisme ou des retards, la gestion de la non-performance, une réticence au changement, le stress intrinsèque relié à une fonction de par la perception d’un individu. Mais attention, toutes ces situations rattachées à un droit de gestion doivent être traitées par un gestionnaire sans abus ni discrimination, ce qui sinon changerait bien évidemment la manière de qualifier cela.

Un conflit entre un gestionnaire et un employé ou le conflit vertical

Lors des enquêtes en matière de harcèlement que j’ai réalisées, j’ai pu constater que même si les conclusions sont souvent à l’effet qu’il n’y a pas de harcèlement au sens de la loi, il y a souvent des sources communes qui ont conduit les personnes plaignantes à déposer leur plainte : un manque de communication, un suivi de performance incompris ou mal géré, un changement organisationnel, des suivis disciplinaires, la différence de traitement, la charge de travail, de l’incivilité, etc. Un gestionnaire devrait donc être formé et outillé pour identifier les situations potentiellement à risques et ainsi éviter des maladresses qui mènent à une mauvaise perception. Un gestionnaire devrait, par exemple, connaître les politiques internes et la façon d’adresser des situations même si celles-ci relèvent de son droit de gestion. Comme nous le disions plus haut, un climat de travail sain est de la responsabilité de tous. Les employés d’une entreprise doivent connaître la Politique en matière de prévention lorsqu’il en existe une dans la compagnie. Un gestionnaire doit connaître la Politique en matière de prévention du harcèlement, mais il doit également en être un ambassadeur, car avoir une politique, c’est bien, mais si vous ne la faites pas vivre dans l’entreprise, elle sera vaine.

Un conflit entre collègues ou le conflit horizontal

Le conflit ne naît pas forcément dans une opposition hiérarchique, il peut provenir, par exemple, de l’obtention par l’une des personnes d’un poste que l’autre visait, de rumeurs, de caractères incompatibles, d’incivilité, de tâches mal définies qui ont pour effet que les deux personnes ont la perception que l’une empiète sur le travail de l’autre, d’enjeux de pouvoir, etc. Il faut absolument agir le plus rapidement possible pour que le climat de travail de l’ensemble de l’équipe ne se détériore pas ou encore voir apparaître la formation de clans et donc, que la situation prenne de l’ampleur. Les gestionnaires doivent aller chercher de l’aide auprès de leur propre supérieur, des ressources humaines ou d’une personne externe. Souvenez-vous toujours : un conflit ne se règle pas si rien n’est fait.

Conflits organisationnels, les conflits silencieux

Des conflits peuvent également prendre naissance entre départements qui ont des objectifs différents et ces conflits peuvent rester silencieux : tout le monde le sait, mais personne ne dit ou ne fait rien. Encore là, l’entreprise s’expose à perdre ses meilleurs éléments ou des parts de marché, car la productivité n’est pas à son maximum, ou les absences se multiplieront.

Sur le même genre de conflits se retrouvent les jeux politiques qui engendrent parfois des tensions entre gestionnaires. Des tensions souvent perceptibles par leurs équipes respectives. Au même titre, ces conflits doivent être gérés. S’ils peuvent être positifs à court terme pour la productivité, puisque les deux protagonistes sont dans la compétitivité, ils seront eux aussi néfastes si le conflit s’éternise.

Le courage

Les conflits font appel au courage de chacun. Le courage de dénoncer pour la personne plaignante, le courage de dénoncer une situation pour un témoin, le courage managérial pour adresser un problème et non l’éviter, le courage d’affronter les allégations pour la personne mise en cause.

Le piège dans lequel tombent souvent les gestionnaires, lorsqu’ils sont confrontés à des situations conflictuelles, est de penser que « c’est de l’enfantillage » ou que « ça va se tasser ». Il n’est pas rare d’observer un manque de courage managérial face à ce genre de situations, mais il y a souvent aussi un simple manque de formation du gestionnaire pour gérer les conflits. Mais attention, le gestionnaire n’est pas seul à pouvoir intervenir. Il lui appartient, par contre, d’interpeller les ressources à l’interne qui pourraient lui venir en aide : son supérieur ou une personne du service des ressources humaines. Évidemment, si le gestionnaire est un protagoniste dans le conflit, le supérieur de celui-ci ou les ressources humaines devront intervenir dès qu’ils auront la connaissance des faits.

Et après ?

Dans la gestion d’un conflit, il faut penser à l’après, chercher les solutions potentielles qui seront acceptables pour les deux parties et surtout, comprendre d’où est né le conflit pour éviter une récidive. Un conflit peut se régler avec une médiation. Les personnes qui ont pris part au conflit doivent être incluses dans la recherche de solutions, mais leur participation doit rester volontaire et être de bonne foi. Une vigie devra être faite régulièrement suite à la mise en place de solutions afin de s’assurer des résultats attendus et d’éviter que la situation recommence.

Dans un cas de harcèlement, lorsqu’une plainte est déposée, la situation se réglera suite à une enquête faite par une personne compétente en la matière et impartiale, que l’enquête soit faite à l’interne ou par une personne extérieure à l’entreprise.

Vous l’avez compris, votre rapidité d’action dans ces situations sera déterminante pour la suite. Un conflit a un coût. Alors, dites-vous que plus vite vous interviendrez, moins les conséquences seront lourdes, et moins d’énergie vous devrez mettre pour rétablir un climat de travail sain.

Vos employés doivent savoir où aller chercher de l’aide (gestionnaires, Ressources humaines, syndicat, PAE, etc.). Vous devez communiquer l’ouverture dont vous ferez toujours preuve s’ils venaient parler d’une telle situation.

[1] Définition du Larousse

[2] http://www.cnt.gouv.qc.ca/en-cas-de/harcelement-psychologique/index.html

Severine Paladini

Severine Paladini est consultante en ressources humaines et relations de travail et fondatrice de « Expertise H2H ». Elle est membre de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés et titulaire d’un baccalauréat en Relations industrielles de l’Université Laval, à Québec.


Expertise H2H

Expertise H2H accompagne les entreprises dans leurs enjeux de ressources humaines et de relations de travail. Expertise H2H propose également la prise en charge d’enquêtes internes, dont les plaintes de harcèlement, la formation de vos gestionnaires, l’impartition ou la mise en place d’une structure Ressources humaines. www.expertise-h2h.com


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