Comment réussir à Cuba
Pour réussir à Cuba, mieux vaut se faire connaître par les importateurs officiels et avoir les reins solides. Très solides.
C’est du moins l’avis de Daniel Côté, le président fondateur des magasins d’électroménagers usagés, Ameublement Elvis, de Montréal.
L’homme d’affaires de 64 ans sait de quoi il parle. À ce chapitre, il a une bonne longueur d’avance sur le premier ministre Philippe Couillard qui a participé à une mission commerciale sur l’île à la mi-septembre 2016.
En effet, depuis 1992, Daniel Côté exporte vers Cuba les poêles et frigos de seconde main qui ont fait la renommée de son commerce dans la métropole.
« En plus des électros, j’ai aussi exporté vers Cuba 350 autobus jaunes usagés en un seul voyage. J’ai aussi exporté des milliers de bottes et de souliers du surplus de l’armée », précise-t-il.
À l’heure où l’engouement des PME québécoises envers Cuba se fait sentir, Daniel Côté fait figure de précurseur. Après 24 ans d’échanges, il connaît encore beaucoup de succès.
Aujourd’hui, 25 % du chiffre d’affaires d’Ameublement Elvis provient de cette petite île des Caraïbes.
D’autres entrepreneurs lui ont emboîté le pas. À ce propos, en août 2016, le Journal de Québec traçait le portrait de Québécois qui ont déménagé à Cuba dans le but de faire fortune.
Jérôme Hudon est l’un de ceux-là. Depuis 2014, le jeune étudiant en urbanisme de l’UQAM a refait sa vie sur l’île. Avec sa conjointe, il planche actuellement sur un projet de gîte touristique.
Des importateurs autorisés
« À l’heure actuelle, les opportunités d’affaires les plus intéressantes à Cuba concernent l’industrie du tourisme, de l’hôtellerie et le secteur des infrastructures », constate Jérôme Hudon.
« Par contre, ceux qui croient qu’il suffit de venir à Cuba et de louer un local pour se lancer en affaires font fausse route. Ce n’est pas si facile que cela », prévient-il.
Le directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie Canada-Cuba, Cyril Arnaud abonde dans le même sens.
« Pour réussir à percer le marché cubain, les entreprises canadiennes ont intérêt à s’inscrire en tant que fournisseurs auprès des importateurs cubains autorisés », explique Cyril Arnaud.
Ces importateurs sont en réalité des sociétés d’État et ils représentent, pour les étrangers, le seul canal officiel pour faire des affaires sur l’île.
« À Cuba, les compagnies étrangères n’ont pas le droit de vendre directement aux Cubains. Elles doivent forcément vendre leurs produits et services aux importateurs autorisés, qui eux les revendent ensuite aux Cubains », résume Cyril Arnaud.
Ces importateurs sollicitent les entreprises étrangères en fonction des produits et services recherchés dans le pays. Ils leur permettent aussi de participer à des appels d’offres inaccessibles aux entreprises non-inscrites, ajoute-t-il.
Et comment faire pour s’inscrire auprès de ces importateurs ?
« Il faut se faire connaître par eux. Pour ce faire, une bonne façon de procéder est de participer à la foire commerciale annuelle qui se déroule dans la capitale »,répond Cyril Arnaud.
Cette année, la Foire internationale de La Havane (FIHVA) 2016 se déroulera du 31 octobre au 4 novembre prochains.
C’est exactement ce qu’a fait Daniel Côté. En 1992, il est débarqué à La Havane avec un conteneur plein d’électroménagers usagés.
« J’avais loué un espace commercial à la foire où j’ai exposé mes électros. C’est là que j’ai fait la connaissance de deux représentants d’un des plus gros importateurs de l’île. Ils se sont montrés très intéressés par ma marchandise ».
Cette année-là, Daniel Côté a quitté Cuba avec un contrat en poche avec cet importateur qui, encore à ce jour, lui commande des électroménagers.
« Par la suite, cet importateur a référé mon nom à un autre importateur. C’est comme ça qu’au fil du temps, j’ai réussi à exporter plusieurs autres produits à Cuba, dont des autobus. »
Miser sur l’économie sociale
Pour Jérôme Hudon, il existe une autre façon de se faire connaître par les importateurs cubains.
« Votre implication sociale pourrait permettre à votre entreprise à se faire remarquer par un partenaire cubain et ainsi devenir l’un de ses fournisseurs, dit-il. Qui sait ? »
Pour ce faire, il recommande aux entrepreneurs québécois de participer à des projets d’économie sociale avec des OBNL actifs sur l’île.
« Par exemple, une quincaillerie québécoise pourrait choisir de commanditer le projet de construction de logements sociaux d’un OBNL en mission à Cuba. Sa contribution pourrait être de fournir des matériaux et des outils. »
L’État cubain est également très intéressé à participer à des projets avec des institutions d’enseignement, assure Jérôme Hudon. « Voilà une autre façon dont votre entreprise pourrait s’impliquer. »
Signe des temps : l’Institut du tourisme et de l’hôtellerie du Québec a conclu une entente avec le ministère cubain du Tourisme. L’objectif de cet accord est de perfectionner la main-d’œuvre cubaine de ce secteur.
« L’important est de démontrer un intérêt et un engagement sincères pour le développement de Cuba », ajoute Jérôme Hudon.
Pour lui, l’implication sociale est un trait de personnalité des Québécois. Et de plus, c’est une bonne manière de se faire connaître par les donneurs d’ouvrage cubains.
Avoir les reins solides
Se faire connaître par les importateurs, c’est bien. Mais ce n’est pas tout. Encore faut-il avoir les reins solides, opine Daniel Côté d’Ameublement Elvis.
Selon lui, une PME doit être à l’aise financièrement avant de s’embarquer dans l’aventure cubaine. C’est que les importateurs demandent à pouvoir acheter vos marchandises à crédit et à vous payer plus tard.
Et lorsqu’il dit « plus tard », c’est réellement beaucoup plus tard. « Cela peut prendre trois, six et même neuf mois avant d’être payé », prévient Daniel Côté.
Cyril Arnaud, de la Chambre de commerce et d’industrie Canada-Cuba, confirme : « Il n’est plus rare de voir des contrats de paiement de 300 jours. De 300 jours, vous imaginez ! C’est presque un an sans être payé ! », s’exclame-t-il.
De plus, un importateur souhaite s’assurer que l’entreprise retenue en tant que fournisseur a une forte capacité de production.
En résumé, faire des affaires à Cuba est un parcours semé d’embûches, s’accordent à dire les experts interviewés par Lime.
Et avec la compétition anticipée des entreprises américaines sur l’île, en raison du rapprochement entre les deux pays, le degré de difficulté pour le Québec inc. grimpera d’un cran.
Malgré cela, nos trois experts sont unanimes : en plus des belles plages, Cuba recèle de très belles occasions d’affaires.
Reynaldo Marquez
Avocat – Wellstein Mora Rodriguez International
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