Face à l’amazonisation de l’économie, le Québec doit adopter le commerce de services en ligne

Lettre ouverte de Karim Abichat, cofondateur d’Ogust

Avec l’avènement de la société numérique, ce ne sont pas que les outils, mais aussi les façons de consommer ainsi que les besoins qui sont en pleine mutation, notamment en ce qui concerne l’accès aux services, que l’on veut de plus en plus automatisés et accessibles en un clic sur nos téléphones intelligents. Et si l’économie numérique moderne avait comme caractéristique de devoir toujours adapter ses infrastructures pour être rentable ?

Nous passons désormais la moitié de nos journées en ligne ; 73 % de la population canadienne possède un téléphone intelligent, tandis que les médias sociaux ont changé le rapport aux entreprises et au service à la clientèle. Preuve que l’instantanéité est devenue un standard, le commerce électronique a crû de manière considérable au Québec : en 2016, 78 % des 35-54 ans ont réalisé des achats en ligne. L’accessibilité du service en tout lieu et à toute heure, ainsi que la possibilité de choisir et de comparer de façon autonome, rend l’achat en ligne extrêmement attractif. Preuve à l’appui d’une capitalisation boursière de 148 millions $ US en 1997, Amazon, le chef de file du commerce en ligne, est passée, en 2015, à 325 milliards $ US.

Le commerce en ligne est souvent affaire de biens matériels. Qui ne s’est pas commandé une pièce de vêtement, un livre, un outil ou même un meuble en ligne ? Or, le domaine des services à domicile est appelé à connaître lui aussi un remarquable boom dans les prochaines années. Par services à domicile, nous pensons au ménage et au multiservice tels que la rénovation, l’aide à domicile, le tutorat, le soutien scolaire et la garde d’enfants. On parle peu de ce pan de l’économie québécoise qui est pourtant voué à exploser. Alors que le Québec compte déjà 11 968 entreprises de services à domicile, les 65 ans et plus passeront, d’ici 2030, d’une personne sur 7 à une personne sur 4. Chez les plus jeunes, les entreprises offrant du tutorat privé ont crû dans les 30 dernières années d’entre 200 % et 500 % selon les villes canadiennes, et plusieurs parents se cassent régulièrement la tête à trouver des gardiens d’enfants qualifiés et disponibles.

Pire encore, selon le rapport du Protecteur du citoyen rendu public le 28 septembre dernier, de 15 % à 18 % des gens de plus de 65 ans nécessitaient du soutien à domicile. Cependant, un tel soutien n’était offert qu’à 8 % de cette population. Il va sans dire que le besoin est des plus criants ! Il est essentiel d’améliorer l’accessibilité aux services à domicile. Encore aujourd’hui, malgré cette croissance phénoménale, les services à domicile sont difficiles d’accès et peu sont disponibles en ligne.

Au Québec, le problème des entreprises de services à domicile tient principalement à leur taille et à leur culture. Ce sont des PME et des TPE, souvent sans stratégie numérique. Elles n’ont pas les moyens financiers pour opérer leur transition numérique et offrir la même expérience. Or, plutôt que de s’interroger sur le fossé technique à combler et l’investissement nécessaire, beaucoup nient tout simplement qu’il y ait un enjeu et préfèrent ignorer les besoins nouveaux des clients.

Ailleurs, d’autres ont compris le besoin et depuis peu, des plateformes investissent le marché des services. Nous pouvons citer, par exemple pour le ménage, Adèle sur demande ou Cleanify qui opèrent aujourd’hui au Québec. Chez nos voisins américains, c’est sans doute Amazon Home Services qui représente la principale concurrence à ce jour.

Le besoin de magasiner nos services à domicile en ligne est-il réel ? Oui ! L’environnement numérique permet d’imaginer de nouveaux modes de coopération, voire de nouveaux modèles pour organiser et promouvoir les entreprises de services à domicile. Plus encore, notre analyse du paysage économico-numérique québécois nous fait entrevoir trois grands types de développement des affaires pour les organisations du secteur des services à domicile ou aux personnes en général, qu’elles devront adopter dans un futur proche, et que nous avons compilés dans notre livre blanc intitulé « Le commerce de services en ligne, le futur de l’économie québécoise ? » : 1) la réalisation de partenariats entre sociétés traditionnelles et plateformes (B2B2C), 2) le développement de marques fortes avec différentes offres d’achat ou 3) l’alliance des structures de services pour créer leur propre plateforme.

Les sociétés de services à domicile doivent ainsi adopter le virage numérique et entamer ces trois étapes essentielles : concevoir une stratégie numérique, choisir une plateforme technologique et mettre en œuvre les processus d’affaires qui soutiendront leurs activités de commerce en ligne. Le besoin est bien présent et, qu’il s’agisse de tutorat, de gardiennage ou encore d’aide aux personnes âgées, la problématique des services aux personnes doit être prise comme un « tout », car il s’agit là du même secteur d’activité.

C’est maintenant aux entreprises québécoises de faire preuve d’innovation et de mettre en œuvre des solutions qui bénéficieront à tous.

Crédit photo à la une: Simon Launay

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