Connaissez-vous le design d’information?

Le « design », ça vous dit quelque chose?

Peut-être avez-vous déjà vu cette boutade circuler sur votre média social favori. Il s’agit d’une image de deux sentiers dans un parc. L’un est léché, pavé et en ligne droite; l’autre a été « tracé » dans le gazon, en terre battue, de manière un peu chaotique.

Au-dessus des sentiers, on peut lire respectivement « design » et « user experience ».

Le sens

On comprend tout de suite que le deuxième sentier, celui en terre battue, a été « créé » par un certain nombre de passants (des utilisateurs du parc) qui ont préféré contourner celui qui avait été produit légitimement par les gens qui l’avaient aménagé, sans doute parce qu’il était plus court de prendre ce chemin.information design

Lorsque l’on regarde cette image, il est facile d’associer aux sentiers des concepts et des caractéristiques très différentes. L’un semble caractérisé par son efficacité, et l’autre, son esthétisme. Vous devinez lesquels, je présume.

Le problème

Pour certains, ce clin d’oeil entre deux éternelles rivalités (on s’en reparlera peut-être) envoie le message que le design ne sert qu’à faire beau, et est incapable de tenir compte de l’utilisation réelle qu’on en fera par la suite. Est-ce là une vision correcte du design?

J’aimerais vous présenter mon point de vue à ce sujet, en abordant une facette du design que je connais très bien, puisque je l’ai étudiée sérieusement (et avec beaucoup de passion), le design d’information.

D’abord, qu’est-ce que le design?

Le terme design vient de l’anglais, bien sûr. Cependant, le terme anglais a un sens beaucoup plus large qu’en français.

En effet, les Francophones interprètent avant tout le mot design au sens de l’esthétisme, la nouveauté ou la tendance du moment. La curieuse expression « C’est design » le démontre bien.

En anglais cependant, le terme réfère d’abord à la planification, la préparation, la conception, et ensuite au dessin et aux motifs décoratifs.

J’aime bien cette vision du design, car elle rappelle l’idée que ce que l’on conçoit a d’abord une fonction avant d’avoir une forme.

Le design de quoi au juste?

Il existe, on le sait, plusieurs formes de design, en termes de spécialisations, telles que le design graphique, le design de mode, le design industriel, etc. D’abord, chacune de ces spécialisations ont une fonction qui va au-delà de la simple création, vous êtes d’accord?

Prenons le design graphique, un cousin de la grande famille du design d’information. Lorsque l’on conçoit une image ou que l’on fait une mise en forme, il y aura toujours deux aspects à considérer.

D’abord, bien sûr, est-ce que l’esthétisme et le style conviennent au produit et à la clientèle visée, mais aussi, sera-t-il possible d’utiliser l’image ou le produit de manière efficace?

Un exemple?

Un logo très original que l’on ne peut pas utiliser sur un fax (un exemple classique pour les avertis), ce n’est pas un très bon logo (quoique l’on dise de la pertinence d’utiliser un fax de nos jours).

Par ailleurs, un logo très lisible, mais qui manque d’inspiration ou qui communique mal le message, aura peu de valeur. Ce qui m’amène à avancer cette formule toute simple :

forme + fonction = design

Bien sûr, si la forme n’est pas belle, on s’entendra pour dire que ce n’est pas un beau design. Toutefois, si le produit ne s’utilise pas bien, ou ne joue pas bien sa fonction, ce n’est pas un bon design.

Un bon design, c’est un juste équilibre entre la forme et la fonction. Les deux doivent être considérés et intégrés en toute cohérence dans le produit.

Ainsi, pour revenir à l’histoire des sentiers dans le parc, j’aurais remplacé « design » par « bad design ». (Remarquez que, ironiquement, c’est en anglais que circule cette blague.)

Passons maintenant au cœur du sujet.

Qu’est-ce que le design d’information?

À la base du design d’information (DI), c’est l’idée que l’information doit être pensée, conçue et présentée pour que les destinataires puissent la comprendre et l’utiliser efficacement, pour leurs propres fins.

Le design d’information, ce n’est pas du graphisme, ça?

Il y a un certain lien entre le design graphique et le design d’information, puisque le terme information design a été inventé par des graphistes dans les années 1970. Ceux-ci cherchaient à perfectionner l’art de présenter l’information visuellement.

On associe aussi le design d’information à la visualisation des données, notamment sous forme de graphiques et d’infographies. Dans Wikipédia, la fiche information design est d’ailleurs associée à design de l’information, ce qui a une signification plus restreinte.

Toute fois, très tôt, d’autres professionnels se sont mis à utiliser le terme information design.

Plus que le visuel

Vous connaissez peut-être le métier de rédacteur technique? Ce sont les spécialistes de la conception de documents de référence, tels que des manuels d’instructions. À la base, le travail d’un rédacteur est d’écrire, mais avec les années, leur travail s’est complexifié.

Ces spécialistes du texte ont rapidement eu besoin, notamment, de mettre en forme les contenus de manière à ce que ceux-ci soient faciles à lire rapidement et que l’on puisse aisément retrouver l’information recherchée dans le document et dans la page. Pour réussir à le faire, ils se sont inspirés de techniques utilisées dans d’autres domaines d’expertise (dont la communication visuelle), tout en développant les leurs.

Puis, avec l’essor de l’informatique, les produits d’information se sont dématérialisés, c’est-à-dire que les contenus ont quitté leur support traditionnel (le papier) pour être intégrés dans divers environnements, dont l’ordinateur lui-même. En effet, auparavant on préparait le document à l’ordinateur, mais il était avant tout destiné à l’impression.

Ainsi, certains de ces professionnels ont commencé à se décrire comme des information designers, pour mieux refléter la nouvelle réalité de leur travail.

Je rédige, donc je suis un designer d’information?

Même si le travail du rédacteur technique a évolué vers un produit plus visuel, le texte reste un élément prépondérant dans le DI. C’est vrai non seulement pour les contenus rédigés, mais aussi le langage utilisé pour le faire.

À cet effet, certains professionnels de la communication écrite se spécialisent dans la rédaction de textes en langage clair (que l’on nomme plain langage en anglais). Leur travail est né d’un besoin de rendre accessibles les textes que seuls des gens très instruits ou très spécialistes peuvent comprendre. On n’a qu’à penser qu’à certains textes de loi, par exemple.

Le travail de ces professionnels est justement de simplifier ou d’ajuster le niveau de langage de manière à ce que le texte soit compréhensible au plus grand nombre. Ainsi, au même titre que leurs confrères techniques, ils ont aussi « revendiqué » le titre de designers d’information, et ont décrit leur travail comme du design d’information.

Le DI en éducation

Les principes – ou du moins les fonctions – du design d’information sont applicables à la conception du matériel pédagogique. L’objectif est toujours le même : rendre les contenus accessibles, faciles à lire et à comprendre.

On utilise parfois l’expression information design pour décrire le travail effectué sur des outils d’apprentissage, tels que des livres et des logiciels spécialisés, ou les produits interactifs tels que les tutoriels.

En effet, dans un manuel scolaire ou un logiciel d’apprentissage, si l’information est mal présentée ou mal organisée, l’objectif pédagogique risque d’être manqué.

Le DI est particulièrement pertinent pour aider des élèves ayant des difficultés d’apprentissage ou des besoins spéciaux.  En effet, les outils doivent être adaptés à leurs besoins, et encore une fois, ils se doivent à la fois d’être attrayants et fonctionnels.

Organiser l’information dans les documents, comme dans les collections

Puis, au tour des bibliothécaires de s’intéresser au mouvement vers l’accessibilité de l’information. Depuis des siècles, ceux-ci organisent l’information de sorte qu’elle soit facile à repérer, peu importe où elle se trouve.

Avec l’arrivée de l’informatique et d’Internet, tout comme les rédacteurs techniques, ils sont appelés à moderniser leurs pratiques et s’intéresser aux contenus numériques, qu’on peut accéder aisément à l’aide d’un moteur de recherche.

L’information étant ainsi libérée de son support, certains n’hésitent pas à se nommer aussi professionnels de l’information. Plusieurs ont aussi commencé à s’intéresser au design d’information pour que celle-ci soit à la fois accessible et agréable à consulter.

Et le mouvement continue…

Jusqu’ici je n’ai présenté que quelques professions (ou domaines d’expertise) où l’expression information design est utilisée, en particulier dans la littérature scientifique.

En fait, le concept du DI est utilisé dans des domaines aussi variés que la santé, la sécurité, l’ingénierie, l’informatique et l’architecture, pour n’en nommer que quelques-uns.

Quoi qu’ils aient des expertises différentes, les « évangélistes » du DI sont animés par une mission commune : simplifier les processus qui permettent d’avoir accès, de comprendre et de s’approprier l’information.

Pour réussir cette mission dans un monde d’information dématérialisée, donc multisupport et multiplateforme, en constante évolution, les professionnels de divers horizons sont appelés à apprendre et à comprendre les techniques des uns et des autres, pour faire en sorte que le travail soit cohérent dans l’appropriation de l’information par ses utilisateurs.

On peut raisonnablement admettre que c’est l’information, avant son support, qui devrait intéresser ses utilisateurs.  Cependant, avec son abondance et sa diversité, il devient tout autant important que les processus permettant d’y accéder, de la comprendre et de se l’approprier soient les plus efficaces que possible.  Voilà le but du design d’information.

Croyez-vous toujours que le design a pour seul rôle de faire beau?


Félix Arseneau
Conseiller stratégique en gestion de l’information – Influide
influide.ca
[email protected]
(514) 692-4004

Félix Arseneau

Président d'Influide, Félix Arseneau est consultant indépendant. Via son blogue, Trouve qui peut!, il partage son expertise en gestion des courriels et de l'information au travail.

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