Ce que j’ai appris après deux ans d’entrepreneuriat

Cela fait maintenant trois ans que j’ai laissé ma «bonne job» pour cause de «pu capable». Depuis, j’ai exploré, testé, fais des erreurs et, surtout, appris plusieurs leçons. Je me permets de partager avec vous mon expérience en espérant qu’elle saura vous aider dans votre propre cheminement. 

Je vous l’avoue tout de suite, je vis à peine du fruit de mes projets et il reste beaucoup à faire pour parler d’un grand succès. Toutefois, je peux au moins être heureux de faire ce qui me plaît et d’avoir de la traction et de la croissance, ce qui est tout de même cool et qui laisse présager une profitabilité tout ce qu’il y a de plus acceptable!

Comme je sais qu’il est facile d’écrire des banalités du genre, «faites ceci, ne faites pas cela», je vais essayer d’illustrer mes apprentissages avec ma propre expérience. Voici donc mes cinq grands apprentissages et un bonus: la sixième leçon, la plus importante selon moi!

Leçon 1: (bien) s’entourer

Tout le monde le dit: bien s’entourer est la clé du succès, mais comment fait-on quand on n’a pas les moyens d’engager la bonne ressource ou de trouver un partenaire? Je crois que c’est comme dans tout, il faut commencer par le début: un premier collaborateur. Comme on dit, il faut être deux pour danser et avant de savoir quel genre de partenaire nous convient, faire quelques pas de danse sera nécessaire!

J’ai eu la chance de côtoyer plein de gens qui m’ont offert leur aide (des fois, juste un conseil autour d’un café), qui m’ont encouragé en m’apportant une aide plus importante (quelques heures de bénévolat) ou qui ont grandement contribué à mes projets et, ce faisant, à mon développement comme entrepreneur. Tous ces petits 15 minutes ou ces centaines d’heures données librement par des inconnus, au départ (certains sont restés des visages de passages alors que d’autres sont devenus des amis ou des partenaires), m’ont forgé comme entrepreneur. Soyez-en tous et toutes remerciés du fond du cœur. Si je suis ce que je suis aujourd’hui, je vous le dois grandement!

Quant à bien m’entourer, j’ai eu la malchance de vivre quelques mauvais choix à certains moments, mais j’ai eu la chance que cela ait peu d’impact au final. Peut-être ai-je été chanceux que cela s’avère sans gravité? J’en connais qui ont souffert beaucoup plus de leurs mauvaises associations…

Quoi qu’il en soit, accepter cette aide ponctuelle et être reconnaissant est un bon début. Redonner au suivant est, quant à moi, un minimum acceptable.

Depuis le départ, j’essaie d’aider les entrepreneurs en démarrage du mieux de mes moyens. À tous ceux et celles qui appellent ça de la gentillesse, ça n’a rien à voir… Ça s’appelle de la reconnaissance. Je connais votre souffrance et vos doutes et je sais ce que ça fait d’entendre: «viens me voir, on va trouver une solution…».

Comme entrepreneur débutant, c’est surtout de ça qu’on a besoin pour mûrir.

Leçon 2: mûrir

On commence tous en se disant: «ça va être facile, c’est l’idée du siècle, tout le monde va vouloir mon produit ou mon service!» À la limite, on est tellement convaincu qu’on se dit qu’on n’aura pas besoin de personne, qu’on va se débrouiller et que la leçon précédente est inutile…

Après quelques mois, survient habituellement la phase où on reconnaît s’être trompé et où l’humilité apparaît. On remplace les «tout le monde va en vouloir» convaincus par des «je vais finir par trouver ma recette» incertains.

Cette étape est nécessaire pour tout entrepreneur afin de mûrir. Plus on est débutant et moins on s’y plonge activement, plus cela prendra du temps.

On dit qu’il faut 10 000 heures pour devenir expert en quelque chose. Dites-vous bien qu’il faut probablement 10 000 heures pour devenir un bon entrepreneur. Le seul problème, c’est que si la majorité des personnes comprennent bien que ça prend beaucoup de temps pour devenir docteur, soudeur ou professeur, bien peu comprennent que devenir entrepreneur, c’est exactement pareil…

En gros, 10 000 heures, c’est 250 semaines (ou 5 ans) à 40 heures par semaine! Alors, à ceux qui pensent que ça va aller tout seul, venez me voir quand vous serez déçus que votre projet d’affaires n’ait pas levé après six mois! Comme le disait Michel, il faut que tu sois la bonne personne avec le bon projet au bon moment. Être un bon entrepreneur ne suffit pas, mais il faut bien partir quelque part.

Ici, le concept clé, c’est de se donner le temps (pas question ici de pensée magique du genre «demande et tu recevras», mais plutôt de «travaille et tu récolteras». Et qui dit temps, dit cash. C’est ce qu’on va voir avec la troisième leçon que j’ai apprise.

Leçon 3: gérer ses dépenses

J’ai eu de longues discussions avec un entrepreneur en série qui me disait sans cesse qu’il fallait investir rapidement et massivement pour qu’un projet lève. Je crois qu’il avait tout à fait raison, mais cela s’appliquait à un autre type d’entrepreneur que moi, entrepreneur débutant.

Quand tu ne sais pas où tu t’en vas, que tu n’as pas confiance en toi et que tu apprends les bases de ton métier, il faut réduire les dépenses pour qu’il te reste du cash quand tu seras prêt à vraiment lancer ton entreprise. Et comme cette entreprise sera probablement différente de celle du départ, il faut éviter d’investir dans quelque chose qui n’est pas transférable. Ne sont pas transférables : du mobilier, un bail, du matériel marketing, une incorporation, etc. Le seul élément que vous pourrez transférer, c’est l’expérience. Alors, allez-y mollo avec les dépenses.

Gérer ses dépenses est tout un art, que je maîtrise heureusement (une des rares qualités entrepreneuriales que j’avais au départ!). Par exemple, aller dans des réseautages pas chers pour apprendre à réseauter (t’apprendras pas plus à réseauter dans un événement à 1000$ qu’à 20$ et tant qu’à bafouiller ou à te planter, aussi bien le faire devant un entrepreneur débutant, comme toi, que devant le président d’une grosse entreprise).

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Faire ses preuves prends du temps: je me souviens qu’à mes débuts, je contactais des organismes pour collaborer, mais comme je débutais comme entrepreneur dans un champ d’expertise pas du tout relié à mon diplôme d’ingénieur, je n’étais pas pris au sérieux. Le costume deux-pièces n’y change pas grand-chose, il faut prendre de la confiance et la confiance ne se feint pas vraiment. Le fameux «Fake it until you make it» reste peut-être un peu vrai, mais seulement dans une certaine mesure.

Étant de nature économe, je n’ai pas eu beaucoup à apprendre à ce niveau-ci. Le seul truc, c’est de savoir quand arrêter de gérer les dépenses et investir (judicieusement). J’ai pris ma licence QuickBooks il y a 6 mois, 18 mois après le lancement de mon espace de coworking et encore, c’est la licence la moins chère… Excel a très bien fait le boulot entre-temps.

Autre exemple: avant de louer un bureau, j’ai fait du coworking à Montréal. Pas de bail, tarifs abordables, communauté dynamique: une solution gagnante pour moi. J’ai tellement aimé le concept que j’ai ouvert mon propre espace à Longueuil. Ç’a été ma première entreprise et un endroit formidable pour apprendre. Pas payant monétairement, mais une mine d’or d’apprentissages!

Deux fois (trois en fait, mais comme c’est en cours actuellement, je n’en parlerai pas dans cet article), j’ai cédé devant la pression pour investir mon argent au mauvais endroit: une fois dans la création d’une image de marque et une seconde dans du matériel marketing (c’était beaucoup trop tôt dans les deux cas).

Leçon 4: négliger les éléments fondamentaux

Cette leçon-là est plus récente… En lançant mes projets, j’ai pris de la confiance en moi et j’ai commencé à me fier à certaines de mes compétences (j’ai quand même un bac en génie et un autre en administration).

En déménageant l’espace de coworking à l’automne dernier (on a agrandi), j’ai négocié un emprunt d’un peu plus de 10 000$ pour faire face aux imprévus. L’adage qui dit d’emprunter AVANT d’en avoir besoin, vous connaissez?

La première chose que je me suis rendu compte, c’est que le loyer sortait de mon compte AVANT que tous mes revenus de memberships soient rentrés (allo, le fonds de roulement!). Autre imprévu: je me suis inscrit aux taxes en cours de route et je me suis retrouvé à remettre mes taxes perçues au gouvernement AVANT d’être prêt à déduire les miennes (le système comptable était prêt, mais les transactions n’étaient pas toutes rentrées et quand on sait que chaque cycle de taxes est de trois mois… rebonjour, le fonds de roulement). Enfin, je n’avais pas considéré qu’il fallait payer le premier mois de location ET le dernier au moment de signer le bail (je le savais, mais je ne l’avais pas mis dans mes chiffres)… Ce sont tous des détails, et je vous vois presque rouler des yeux devant tant d’incompétence, mais je dirai, pour ma défense, que j’ai agi rapidement parce que les autres projets poussaient et que la planification a été un peu bâclée.

Je ne fais que donner ces exemples afin de vous montrer que trois petites erreurs peuvent se traduire par un trou de 10 000$ dans vos revenus et vous pousser à la faillite… Une chance que je m’étais donné du lousse et que je suis économe!

Ce que j’ai appris? Même quand on n’a pas de temps, c’est une bonne idée de prendre quelques minutes pour faire valider certains éléments par une autre paire d’yeux!

Leçon 5: la fameuse règle 2-2-2

Une autre leçon que j’ai apprise depuis le jour un, c’est que ça prend toujours plus de temps, que ça coûte toujours plus cher et que ça rapporte toujours moins que prévu. Dans le milieu de l’investissement, ça s’appelle la règle 2-2-2. Quand les investisseurs analysent un plan d’affaires, ils divisent les revenus par deux, augmentent les coûts par deux et multiplient le temps pour atteindre les prévisions par deux. Simple, non?

Remarquez que je suis quelqu’un d’intelligent, alors j’avais déjà tenu compte de cette règle dans mes prévisions en les ajustant selon ce facteur 2-2-2. Vous me direz que ce n’est pas très sage d’essayer de piéger Murphy à son propre jeu et vous aurez raison.

Au final, même en intégrant la règle 2-2-2 dans mes prévisions, ça m’a quand même pris plus de temps que prévu à atteindre mes chiffres, j’avais également sous-estimé mes coûts et surestimé mes profits! Encore un dur coup pour mon humilité.

Toutes ces leçons sont bien belles, mais la leçon la plus importante, celle à absolument comprendre et appliquer, c’est celle d’agir, juste d’agir.

Leçon 6: agir

«Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas — Lao-tseu (philosophe chinois)

C’est la leçon principale que j’ai apprise, la seule qu’il faille retenir selon moi. Agir, faire un premier pas et ne pas s’arrêter… Agir, faire n’importe quoi, mais faire quelque chose, vous permet d’apprendre… et apprendre, c’est évoluer.

Au début, j’assistais à plein d’événements/conférences. Je choisissais les moins chers, les gratuits et, pour être honnête, j’y ai probablement appris autant que dans celles où les billets valaient entre 100$ et 1000$. Ça m’a permis d’avancer et d’apprendre. Ça n’a pas fait de moi un entrepreneur, mais ça m’a mis en mouvement.

Petit aparté: il m’a fallu beaucoup de temps pour accepter le statut «d’entrepreneur». Le syndrome de l’imposteur que j’ai vécu n’est pas que réservé aux femmes, malgré ce qu’on entend régulièrement. Il est beaucoup plus répandu qu’on peut le croire, et à tous les niveaux.

Bref, les entrepreneurs d’expérience pourront vous pardonner de vous être mal entouré (et, dans certains cas, c’était vraiment stupide en y repensant après coup), de mûrir lentement (et lentement, ça peut être très, très lentement), de dépenser trop ou pas intelligemment (là-dessus, les exemples foisonnent autour de moi), de vous tromper dans vos chiffres ou de sous-estimer le temps qu’il vous faudra (expérience personnelle encore là). Ils seront cependant sans pitié devant les «wantpreneurs» (vous savez, ces gens qui parlent beaucoup, mais qui agissent peu ou pas du tout) ou devant les entrepreneurs bornés incapables de reconnaître leurs erreurs.

Le maître-mot de tout ceci: agissez, bougez et apprenez. Le reste, ce sont des détails… que vous apprendrez bien assez tôt!

Si vous avez besoin d’aide, n’hésitez pas à contacter les organismes d’aide à l’entrepreneuriat de votre région. Leurs services sont excellents pour vous mettre en selle.

Qu’attendez-vous? Faites le premier pas… maintenant (et allez faire vos propres erreurs!).


Crédit photo à la une: Bethany Legg
Crédit 2e photo: rawpixel.com

Ian-Patrick Thibault

Ingénieur industriel spécialisé en optimisation des processus d’affaires, il se passionne pour l’entrepreneuriat sous toutes ses formes. Il met en place des structures pour aider toutes les personnes qui aimeraient se lancer en affaires en mettant sur pieds des activités de formation entrepreneuriale, en opérant un lieu de travail collaboratif (coworking) et en assurant la direction générale du premier incubateur d’entreprises dédié aux entrepreneurs innovants de l’agglomération de Longueuil.

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Le Garage & co

C’est alors qu’il se sentait seul dans son garage à créer son entreprise que Ian-Patrick Thibault, l’initiateur du projet Le Garage & co, a commencé à imaginer un endroit rassembleur, où les porteurs de projets innovants pourraient se retrouver et créer leur entreprise dans des conditions optimales, en bénéficiant des outils et du savoir-faire des meilleurs mécaniciens.


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