L’expérience de la pensée
Je nage dans le monde de la créativité depuis le début des années 80. Les méthodes, les approches, les applications, les théories, les techniques, les disciplines — tels que la psychanalyse, l’architecture, la médecine et le monde des affaires, celui des arts — se sont toutes côtoyées, à un moment donné ou à un autre dans l’histoire de cette vaste recherche, pour comprendre le fameux processus de la créativité et à quoi, à qui, pourquoi, comment, quand elle peut bien nous servir.
L’idée n’est pas nouvelle…
Si l’on en croit la littérature entourant ce phénomène, non seulement l’idée de la PENSÉE DESIGN n’est pas nouvelle, car « il existe un processus de réflexion/action suffisamment précis pour indiquer des points de passage obligé tout en restant suffisamment larges pour s’adapter à divers champs d’applications. »
Passer de l’idée au produit, de la stratégie à la création de marques, du marketing au modèle économique, de la prospective à l’usage, etc. existait à l’époque où j’étudiais la créativité dans les écrits d’Osborn (le brainstorming), Gordon, Zwicky, Demory et tous les autres.
La naissance d’une pensée !
Le terme de la méthode « PENSÉE DESIGN » est « in » et accrocheur. Il génère un engagement de la part du client/utilisateur par l’expérience.
Depuis quelque temps, nous rencontrons, soit dans les articles sur le Web, de la bouche de plusieurs ou dans les publications internes des compagnies, quelque chose qui a un rapport avec la PENSÉE DESIGN. On parle de cette approche comme étant un nouveau processus, non linéaire ; une approche innovation. Son management se veut une synthèse entre la pensée analytique et la pensée intuitive ; un phénomène ; une méthodologie d’intelligence collective qui place l’humain, ses usages et ses besoins au centre de la réflexion. Bref, un outil d’innovation à adopter d’urgence ! Vraiment !
LE SECOND SOUFFLE DE LA CRÉATIVITÉ”. MARTHE SEGUIN-FONTES. Edition: Dessain et Tolra. 1977
OUF ! Ce qu’il faut savoir
Un peu d’histoire :
Ce processus a été développé dans les années 80, à l’université de Stanford, par Rolf Faste, professeur en dessin industriel, basé sur les travaux de Robert McKim. Il voulut que ses étudiants renforcissent leurs habilités tant sur le plan visuel que créatif. Il s’intéressa à l’exploration du corps et de l’esprit afin de comprendre les besoins et l’aspect culturel de créer des produits et en incorporant les fonctions, l’esthétique et l’humanisme.
Rolf Faste fut mieux connu pour sa contribution à la pratique créative du design ou « design thinking ». Il est le pionnier dans cette façon de prendre en considération « l’être tout entier », centré sur ses « BESOINS », dans la résolution de problèmes.
La « pensée design » a été reprise par Tim Brown et David Killey, fondateurs de l’agence de design IDEO, fondée en 1991. Lors d’une conversation entre les deux hommes, ceux-ci ont remarqué que lorsqu’ils s’interrogent sur le design ou sur ce que le designer fait, les mots « verbal thinking » (la forme de la pensée « verbale ») leur viennent à l’esprit. La pensée verbale (la pensée avec les mots) désigne la pensée à travers le langage, par opposition à la pensée visuelle (pensée avec images). Pour eux, c’est à cette période que serait né le néologisme « DESIGN THINKING ».
Plus de précisions sur ses origines
Cette méthode, qui oblige à repenser les cycles de création et de management en entreprise par le design, n’est pas nouvelle puisqu’elle est née dans années 1950. FrenchWeb a récemment consacré un atelier en ligne, en juillet dernier, sur le sujet : qu’est-ce que le design thinking ? L’historique ci-dessous est tiré de cet article :
http://frenchweb.fr/le-design-thinking-un-nouvel-avantage-competitif/122936.
« Les grandes dates du design thinking :
- Années 1950 : Le publicitaire américain Alex Osborn, en mettant au point la technique du brainstorming, sensibilise le monde de l’entreprise à la pensée créative.
- Années 1960 : Création d’un premier programme interdépartemental à l’université de Stanford, la majeure de Product Design. Ce programme se veut centré sur l’humain.
1987 : Peter Rowe publie son ouvrage “Design Thinking” aux presses du MIT.
[…]
Années 2000 : Multiplication des publications, des colloques et des cours sur le Design Thinking dans les plus grandes universités du monde.
2012 : Création de 3 écoles de Design Thinking, aux Ponts et Chaussées à Paris, à Pékin, et à Tokyo. » (4)
La mort du Design Thinking…
L’avenir de la Pensée Design, d’après Bruce Nussbaum, ne fera plus long feu. Il parle de la pensée design comme une « expérience ratée ». Selon lui, « s’il faut changer de paradigme, c’est parce que le “design thinking” a apporté à la société tout ce qu’il pouvait donner et qu’il devient maintenant nuisible parce que sclérosant. » (4) Il poursuit en précisant que les entreprises en ont fait un processus linéaire et fermé, un processus comme le Lean ou du 6 Sigma dans une logique d’amélioration de la performance et de l’organisation de l’entreprise. »
Son article à lire : http://www.lescahiersdelinnovation.com/2015/10/le-design-thinking-se-rapproche-t-il-du-coeur-des-entreprises/.
Cette technique, qui voulait mettre en œuvre des changements de mentalités culturelles et organisationnelles, a-t-elle réussi à éblouir seulement ou a-t-elle véritablement mis davantage le chaos et le désordre au sein des entreprises voulant uniquement que la créativité soit au cœur des problématiques et que l’humain en soit l’auteur ? Quoi qu’il en soit, la PENSÉE DESIGN est maintenant confrontée au concept de l’INTELLIGENCE CRÉATIVIE de Bruce Nussbaum, qui veut que celui-ci soit naturellement associé à l’intelligence collective plutôt que de favoriser l’émergence d’un processus, quel qu’il soit.
Libérez le potentiel humain et donnez-lui le pouvoir de créer de nouveaux produits. Comme l’avait pensé Rolf Faste : l’humain au cœur des solutions. La PENSÉE DESIGN a-t-elle atteint ses limites ? Il faudrait lui donner un « spin » pour endosser son évolution et son adaptation au sein des entreprises et de la vie de tous les jours afin de répondre aux besoins de l’utilisateur, voire lui en créer de nouveaux en le plongeant au cœur de l’expérience.
Sources :
1/ https://fr.wikipedia.org/wiki/Design_thinking
2/ http://trendemic.net/etapesdesign-thinking.html
3/ https://en.wikipedia.org/wiki/Rolf_Faste
4/ https://www.lescahiersdelinnovation.com/2015/04/vers-la-mort-du-design-thinking/
McKim, Robert H., Experiences in visual thinking, Monterey, Brooks/Cole, 1972